« A la pointe » – Pierric Bailly- collection « Récits d’objets » – Musée des Confluences/ éditions Cambourakis

41Cv9Dtr10L._SX195_ » Avant de commencer ma petite enquête, je l’acceptais comme une forme abstraite sur laquelle chacun projette ce qui lui chante, et dans l’idée de ce texte à écrire, je m’imaginais collecter les différentes interprétations en même temps que les différentes appréciations que ce drôle de bâtiment inspire au visiteur comme au simple promeneur. Dès la première prise de contact avec l’équipe du musée, je me lance: » Qu’est-ce qu’il vous évoque, à vous? » Et voilà qu’on me donne la bonne réponse, celle qui a été avancée par les architectes comme étalon, comme idée directive. J’apprends qu’il représente quelque chose de précis, qu’il a un modèle, un modèle concret. Qu’il s’agit d’une forme figurative, même si très libre dans sa traduction, mais qu’elle possède un référent dans le réel. »

Le seul début de ce charmant petit livre m’a ravie! Comme moi, y sentez-vous un petit rien de moquerie indulgente?

Musculation et pilates:

« Ça s’appelle comment ce que vous faites?

-Calisthenics

-Et ça consiste en quoi, du coup?

-En ça. »

Je prends quelques secondes pour observer un peu plus attentivement.

-C’est un peu comme de la muscu, quoi.

-Ouais.

-De la muscu dans la rue, c’est ça?

-…

-Bon, OK, merci. »

Je ne voudrais pourtant pas alimenter le cliché du malabar écervelé, je tombe sûrement au mauvais moment – si ça se trouve, il vient d’apprendre la mort de son grand-père, le pauvre.

Une chose dont je me rends compte, c’est que j’ai plus de facilités à aborder un groupe de mecs qu’un groupe de filles. Auprès des filles, je redoute toujours de ne pas être pris au sérieux et de provoquer des réactions du style: Non mais le type, il s’incruste en plein cours de Pilates, il te baratine qu’il écrit un livre, genre c’est un romantique, vas-y. Mais sois sincère, invite-moi direct à prendre un verre, pas la peine de te faire passer pour Marc Levy. »

Enchantée une fois de plus par cette petite collection, un auteur, un objet du musée des Confluences. Gros plaisir avec cet opus, pour lequel Pierric Bailly a choisi le contenant plutôt qu’un contenu comme objet, et j’ai trouvé ça passionnant. Je ne suis pas lyonnaise, mais ce bâtiment ne m’inspire pas grand chose, si ce n’est un vieux vaisseau spatial échoué là. En parlant avec une amie lyonnaise il y a peu, elle m’a dit la même chose. « Je n’aime pas ce bâtiment, je le trouve laid, il me fait penser à l’épave d’un vieux vaisseau spatial. « . Je crois que ce côté « raté » que j’y vois est dû en grande partie à l’autoroute qui rase l’ensemble, au béton très présent autour, par le fait que personnellement je n’y vois pas grand chose en fait…Mais faut -il interpréter ce bâtiment? J’y suis allée visiter les collections et des expos temporaires et je m’y suis sentie plutôt bien.

 

IMG_0467Mais dehors, ma foi, je suis peut-être un peu bornée, pas dans le coup ou je ne sais quoi, mais je ne lui trouve aucun attrait. Je ne serai pas péremptoire, d’autant que ce petit livre peut avantageusement faire percevoir les choses autrement. Pierric Bailly, lui, me semble bien perplexe tout de même et il va passer un temps d’exploration autour de ce le lieu, en recueillant les avis de toutes les personnes qui le « pratiquent » quotidiennement. En tous cas  ceux qui en ont fait un lieu de vie, que ce soit pour du sport, pour l’aide caritative aux gens échoués sous ce vaisseau qui les abrite, ou les promeneurs, les amoureux…Ce que Pierric Bailly va constater, c’est que ce quartier qui était un pôle industriel à l’abandon a retrouvé vie. Certains personnages comme Alessandro, en particulier, sont très émouvants (mais je vous laisse lire son histoire ).

On sait certes que cette construction a donné lieu à de nombreuses polémiques, en particulier sur le coût, quand on s’est aperçu qu’il reposait sur un fond limoneux absolument inapte à supporter cette structure, etc etc… Là n’est pas ou n’est plus vraiment le propos. Le lieu, cette confluence du Rhône et de la Saône était trop beau pour y renoncer.

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Une architecte suisse, dans une association d’aide aux sans-abri:

« J’aime pas du tout. J’ai des valeurs très communistes en architecture. Je suis pour l’architecture soviétique: simple, rationnelle, efficace, fonctionnelle, pas de fioriture, ultra-sociale. Ce bâtiment, c’est tout le contraire: racoleur, tape-à-l’œil. Ça en met plein la vue mais ça s’arrête là. C’est bien construit, je dis pas, et puis c’est beaucoup de métal, toujours mieux que le béton, au moins ça se recycle…Mais pour moi, un musée, ça doit être une boîte rectangulaire. Là, c’est clairement un caprice. Après, on a besoin de ce genre d’architecture pour faire parler, pour attirer les touristes… »

Donc, notre auteur curieux va s’installer quelques temps aux abords proches du musée et aller à la rencontre des passants, mais aussi des hommes qui nettoient l’extérieur du musée, verre, acier, béton, encordés à l’assaut des parois, mais aussi d’autres qui travaillent dedans. Et puis et puis, on se rend compte que cet endroit vit, pas pour le musée en lui-même, mais pour l’espace externe qu’il offre pour toutes sortes d’activités. L’espace seul et nu, sans la construction qui propose des coins, recoins, cachettes ou espaces ouverts,  aurait-il pu susciter les mêmes usages ? 

Les amoureux ou le baiser:

« En pivotant sur mon banc pour les suivre, je découvre, juste en face de moi, assis sur les dernières marches du socle, une femme et un homme qui s’embrassent. Et alors, qu’est-ce que ça peut te foutre? me direz-vous. Mais rien du tout. Ils font bien ce qu’ils veulent, évidemment. Je remarque seulement que ça fait un moment que ça dure. Je n’ai pas regardé l’heure en arrivant, mais ils doivent s’embrasser depuis au moins cinq minutes. Et encore, je n’étais pas là quand ils ont commencé. Ils s ’embrassaient déjà quand je suis arrivé. Si bien que, oui, je me pose des questions, forcément. Je me demande ce qui peut motiver un si long baiser. Il faut admettre que ce n’est pas courant. »

Et ainsi notre auteur, qui décidément m’amuse beaucoup, s’interroge sur ce qu’il voit. C’est léger, drôle, spirituel, et ça ne donne aucune réponse toute faite. La fin, et la promenade sur le quai Perrache, les annonces racoleuses pour un « workside »:

« Un système rusé de palissades pédagogiques nous apprend que sur le site se tiendront bientôt un espace destiné à révéler notre workside No coworking, no flex office, no open space: Juste reveal your workside ( Nous voilà prévenus) – , un immeuble de bureaux incroyablement novateur: Lumen et son ouftop, conçu pour une à mille personnalités ou une à mille personnalisations ( comme on dit chez moi: oui, il y a des gens qui sont payés pour écrire ce genre de conneries) […]. »

Mieux que de lire mon bavardage, vous pouvez lire ce petit livre plein de vie et d’humour. C’est une lecture d’une petite heure, récréative et intelligente, pleine d’humanité.

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« Enfant de salaud » – Sorj Chalandon – Grasset

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Dimanche 5 avril 1987

-C’est là.

Je me suis surpris à murmurer.

Là, au bout de cette route.

Une départementale en lacet qui traverse les vignes et les champs paisibles de l’Ain, puis grimpe à l’assaut d’une colline, entre les murets de rocaille et les premiers arbres de la forêt. Lyon est loin, à l’ouest, derrière les montagnes. Et Chambéry, de l’autre côté. Mais là, il n’y a rien. Quelques fermes de grosses pierres mal taillées, calfeutrées au pied des premiers contreforts rocheux du Jura.

Je me suis assis sur un talus. J’ai eu du mal à sortir mon stylo. Je n’avais rien à faire ici. J’ai ouvert mon carnet sans quitter la route des yeux.

« C’était là », il y a quarante- trois ans moins un jour.

Cette même route au loin, sous la lumière froide d’un même printemps. »

Ainsi commence ce roman autobiographique qui fait suite à « Profession du père ». Sorj Chalandon boucle ici l’enquête, en quelque sorte, qu’il a menée sur son père. Cet écrivain dont j’aime et l’écriture, et les propos m’avait bouleversée avec « Profession du père » et une histoire d’enfance si tordue, si triste qu’on a même du mal à croire qu’une personne, un père en l’occurrence, de cette sorte puisse exister et qu’un enfant puisse en sortir comme l’a fait Sorj Chalandon. Et pourtant. J’imagine la souffrance qu’il a pu ressentir en écrivant ces deux récits. Comme l’extraction d’une mauvaise dent qui fait souffrir, taraude, harcèle et prend toute la place, parce qu’elle fait partie de nous, l’écrivain a voulu faire place nette et tenter d’extirper un peu de vrai de tout ce qu’il savait faux des dires de ce père, sinistre et pitoyable personnage. Et néanmoins : son père. Quand il lui dit « Papa », ça me fait mal pour lui, le fils, l’enfant de salaud..

800px-LeeMutimer_-_MMp0673Sorj Chalandon écrit bel et bien un roman, car il fait coïncider sa découverte du dossier de son père avec le procès de Klaus Barbie à Lyon, en 1987, alors qu’il a obtenu ce dossier, son père déjà mort. Sorj Chalandon couvre le procès avec un reportage pour le journal Libération, ce qui lui vaudra le prix Albert Londres ( pour ce reportage et ses reportages sur l’Irlande du Nord ). Dans ce roman, donc toujours tenu par le désir et l’impérieux besoin de comprendre qui est son père, il se décide à chercher, une seconde enquête en marge du procès mais en fait en lien total. L’auteur qui au début du livre se trouve à Izieu, bouleversé par cet endroit et l’histoire sinistre qui s’y déroula, est ramené à son père qui l’a abreuvé de mensonges, qui l’a maltraité et qui sans relâche poursuit sa mythomanie fantasque et cruelle.

« Non. Le salaud, c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans trace, sans repère, sans lumière, sans la moindre vérité. Qui a traversé la guerre en refermant chaque porte derrière lui. Qui s’est fourvoyé dans tous les pièges en se croyant plus fort que tous: les nazis qui l’ont interrogé, les partisans qui l’ont soupçonné, les Américains, les policiers français, les juges professionnels, les jurés populaires. Qui les a étourdis de mots, de dates, de faits, en brouillant chaque piste. Qui a passé sa guerre puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes.

Le salaud, c’est le père qui m’a trahi. »

La quatrième de couverture donne un des meilleurs extraits du livre de « cet enfant de salaud », qui résume à lui seul d’une part les actes du père, d’autre part la colère et surtout la souffrance du fils, privé de tout ce qui est le père, un père. Et on a le sentiment en lisant ce livre que jamais il ne s’en remettra, et c’est bouleversant. Pour moi presque traumatisant.

Ainsi, suivant le parcours d’un père fou à travers les rapports de police, divers papiers qu’il arrive à exhumer, il suit une piste tortueuse et surtout inepte, incompréhensible tant va se révéler grand l’écart entre les dires et les faits. Et tant le père ressort de cette enquête veule, lâche, et finalement complètement fou.

Dans cette vidéo, Sorj Chalandon explique comment s’est construit ce roman.

Quant au procès, le fils en profite pour observer son père venu y assister, voir ses réactions, les expressions de son visage. Ce salaud de père semble aimer particulièrement les interventions de Me Vergès et être bien peu atteint par les témoignages des rescapés des camps, des interrogatoires et des tortures de la Gestapo. Extrait particulièrement abominable:

« À propos d’un témoin, femme violée par un chien dans le bureau de Barbie:

« -La torture est liée dans l’imaginaire, à la sexualité. Pour qu’un chien puisse violer une femme, il faut que celle-ci l’y incite, au moins par une posture indécente. »

Dans la salle ce fut la consternation. Deux avocates se sont levées.

« -Un chien ne peut pas posséder une femme, mais seulement une chienne, à quatre pattes. »

Le témoin qui avait rapporté la scène s’est levé en criant.

« -Ce que je dis est vrai! »

Simone Lagrange, jeune fille torturée devant ses parents, s’est dressée à son tour, hors d’elle, avant de se rasseoir, de se tasser sur sa chaise et pleurer. Vergès, lui, a continué, sans un regard pour ces détresses.

« -L’évolution des fantasmes de certains témoignages pourrait intéresser les psychiatres, pas la justice ! »

Silence dans le public. Les journalistes notaient, tête baissée. »

Sorj Chalandon relate le témoignage de Geneviève De Gaulle-Anthonioz, alors que ce jour-ci son père est absent.

« Jeune étudiante en histoire, Résistante, arrêtée, battue, déportée à Ravensbrück, elle a évoqué l’acharnement des nazis à fabriquer des « sous-êtres ». Pas un mot brisé lors de son témoignage, pas une phrase en larmes, pas une plainte, pas un sanglot. Elle a partagé avec nous l’image des nourrissons noyés dans un seau à la naissance. La stérilisation forcée des gamines tsiganes de 8 ans. La nièce du Général nous a raconté à quoi s’amusaient les bandes d’enfants abandonnés qui survivaient derrière les barbelés.

-Ils jouaient au camp, monsieur le Président.

Sa voix douce.

-L’un tenait le rôle du SS, les autres des déportés. »

J’aurais tellement aimé que tu apprennes cela.

Et que tu voies cette grande petite dame s’écrouler d’un malaise cardiaque sur les marches du palais de justice en sortant de l’audience, terrassée par ce qu’elle venait de revivre, et mourir à nouveau pour nous tous. »

325px-Dossier_de_photographies_soumises_aux_témoins_du_procès_Barbie,_portrait_de_Klaus_BarbieOn va les entendre, ces témoins, et ça donne des pages terrifiantes, qui désespèrent de ce que peut être parfois un être humain. L’auteur, écoutant cela et mettant en parallèle les mensonges multiples de son père est totalement effondré et entre alors dans une colère froide, allant enfin au bout et parvenant à mettre son père au pied du mur.

Ce livre m’a touchée profondément. Outre la sympathie et une sorte de solidarité ressentie pour l’auteur – le mot « empathie » commence à m’agacer, mis à toutes les sauces…-, il est toujours utile de revivre ce genre de procès, et de se souvenir de ce qu’est réellement une dictature, de se souvenir de ce que sont capables d’infliger à des êtres humains d’autres êtres humains à partir de théories nauséabondes. Il est utile et urgent de s’en souvenir. 

Pour moi, Sorj Chalandon est vraiment ce qu’on appelle « un grand bonhomme » qui chaque fois qu’il écrit m’atteint émotionnellement. Je dois le dire, et je le salue : respect, Monsieur.

« Klaus Barbie est mort à Lyon le 25 septembre 1991, incarcéré à la prison Saint-Paul.

Il avait 77 ans.

Mon père est mort à Lyon le 21 mars 2014, interné à l’hôpital psychiatrique de Vinatier.

Il avait 92 ans.

Le dossier de la Cour de Justice de Lille, qui lui était consacré, était conservé aux Archives départementales du Nord sous la cote 9W56. J’ai pu l’ouvrir le 18 mai 2020, six ans après sa disparition. Grâce au travail, à l’attention et à la délicatesse de Mireille Jean, directrice des Archives, et de son équipe. »

Belle journée pour une rencontre

IMG_1211Hier sous un ciel limpide, la Saône juste drapée de fins bancs de brume, un soleil radieux sur la ville, Lyon a été pour moi et pour la seconde fois le théâtre d’une belle et touchante rencontre .

Hier, près du piano qui propose ses touches aux passants de la gare de Perrache, j’ai vu une jolie petite femme blonde, bras ouverts, sourire éclatant, et cette amitié dont je vous parlais il y a quelques jours, cette amitié s’est concrétisée en une embrassade joyeuse et émue.

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Michel Blazy

Hier, j’ai rencontré pour de vrai Culturieuse, Martine; après un sacré bout de temps à se lire sur nos blogs respectifs, après des commentaires, après des mails pour des échanges plus personnels, du temps, la Biennale d’Art Contemporain de Lyon nous a réunies. Je ne rentrerai pas dans le détail de la journée, mais après ma chère Véro/Kali, rencontrer Martine m’a démontré encore une fois que cet outil de communication qu’est le blog, bien utilisé, permet de riches échanges, de belles relations et rencontres amicales. Comme si nous nous connaissions, en fait, car oui, nous connaissons l’essentiel de l’autre dans l’échange d’idées, de goûts, on sent vite qui va devenir plus proche, pas seulement intellectuellement, mais affectivement aussi, dans les affinités humaines.

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Céleste Boursier Mougenot

Je ne me suis pas trompée, Culturieuse est une femme intelligente sans pédanterie, naturelle, drôle et généreuse. Bien sûr, visiter la Sucrière et ses œuvres avec elle a été un « plus » certain. D’ailleurs, très intéressante exposition. Je vous joins quelques photos prises par Martine, nous sommes restées 3 heures, ce fut vraiment passionnant. Nicole, amie de longue date de Martine nous accompagnait, une personne avec beaucoup d’humour, une belle rencontre là encore, et je crois que nous avons formé un joli trio, validé autour d’un plat italien et d’un verre de vin rouge : « A la vie ! »

C’est certain, nous nous reverrons, Martine, pour encore rire et boire ensemble « A la vie ! « 

 

Ron Rash à Lyon

rashJeudi soir, dans une belle collaboration Quais du Polar, librairie Passages et Théâtre des Célestins, a eu lieu une belle rencontre avec ce grand écrivain américain qu’est Ron Rash. J’y étais en excellente compagnie: mon amie Béatrice. Journée par ailleurs agrémentée – ô combien ! – par une flânerie au soleil à la terrasse d’un café, sirotant des diabolos violette…avec notre fée à tous, Kali. 

qdp rashQuoi que certains esprits chagrins puissent penser, ces rencontres sont riches pour le lecteur. Les questions du jeune homme des QDP étaient pertinentes, et nous ont révélé un Ron Rash engagé, lecteur de Giono, Dostoïevski et Tolstoï, il nous a appris ce qu’est la vie dans les Appalaches, sa vision de l’empreinte des paysages sur les gens qui y vivent, et puis aussi que Jim Harrison n’est pas si connu que ça aux USA; il a parlé de son goût des mots, de la musique qu’ils produisent, nous a lu quelques lignes en VO, pour éclairer ses dires. Un homme ron passionné, partageur…L’après-midi il était avec des lycéens, qui, vivant à Lyon, ont vraiment beaucoup de chance de pouvoir assez facilement, assister à de telles rencontres. Et puis ça donne vraiment l’envie de lire.

En tous cas, belle soirée, belle journée, amicale et littéraire. 

Lisez Ron Rash !

Samedi, promenade sur les Quais du Polar, à Lyon

SAM_3758Les Quais du Polar fêtaient leurs dix ans d’existence durant ces trois jours. Et l’affiche avait, une fois de plus, de quoi faire rêver. Alors bon, vous commencez à me connaître, j’avais fait mon programme et ce samedi, avec mon mari, nous sommes allés faire le plein de futures lectures, et de rencontres mythiques !

71 auteurs invités, et invité d’honneur, pas moins que…James Ellroy. Affiches et autres objets marqués du Dalhia Noir, le grand monsieur ( il est très grand ) a attendu avec nous l’ouverture des portes du Palais du Commerce à 10 h, saluant à droite à gauche ses lecteurs – dont moi, oui – assez surpris de le voir là, chemise à ramages et mains dans les poches; ce sombre auteur à la réputation sulfureuse, plutôt souriant et comme en promenade, a passé la journée entière à discuter et signer, signer et discuter ( je ne vous raconte même pas la file d’attente !!! ). 

SAM_3749 - Copie10h, Hôtel de Ville, première conférence : Quand les légendes contre-attaquent: mythes,  super-héros et légendes dans le polar, modérée par une journaliste du journal Le Point ( pas bien réveillée je pense, ses questions étaient un peu confuses ) face à Craig Johnson, Åsa Larsson, Emmanuel Grand  et un géant, Warren Ellis, qui m’a bien fait rire. Il est arrivé, gigantesque, crâne rasé, barbichette et long manteau de cuir, il s’est installé, a croisé les bras, fermé les yeux, et a tapé un petit somme ! Ceci dit, il a répondu des choses très intéressantes chaque fois qu’il ouvrait un oeil , aux questions posées sur son premier roman, « Gun machine », son oeuvre se composant essentiellement de scénarios de comics, mais le personnage est déstabilisant ! Les plus pertinents ont été l’ami Craig et Åsa Larsson, nouvelle venue ( avec succès ) dans le polar nordique, nous parlant l’un des légendes cheyennes et craw et l’autre des samis, au Nord de son pays – la Suède – où elle vit.

SAM_3750Puis retour au Palais du commerce, où j’ai filé tout droit au stand tenu par les libraires du « Bal des Ardents », parce que s’y trouvaient Craig Johnson et aussi Bruce Holbert, dont le fascinant roman « Animaux solitaires » a été un grand moment de lecture. Encore un géant ! Et alors que je demande à sa voisine de traduire pour moi, un monsieur me dit : « Je vais le faire, moi !  » C’était Oliver Gallmeister lui-même, et j’ai pu lui dire ainsi toute l’admiration que j’ai pour son travail, les bonheurs de lecture que m’offre sa maison. Il m’a donc servi de traducteur pour m’adresser à Holbert, un colosse barbu à grosse voix qui m’a dit : « Ma grand-mère est montée à cheval jusqu’à 85 ans, elle ne faisait pas confiance aux voitures! » dans un  rire tonitruant, rappel d’une scène que j’avais mise dans mon post sur ce livre :   » Les chevaux ne tombent pas en panne et ils n’ont pas besoin d’essence.  « 

Imaginez la joie d’une lectrice comme moi, sortie de sa campagne pour serrer la SAM_3764main de son cow-boy préféré, discuter avec la très bavarde mais néanmoins sympathique et intéressante Maud Tabachnik, saluer l’espagnol Rafael Reig ( dont je suis en train de lire le livre ) un homme charmant et doux ( quand on le lit, la vache ! il cache bien son jeu ! ) qui a écrit une très jolie dédicace dans mon bouquin, Didier Daeninckx ( un fidèle des Quais ) , George Pelecanos ( waouh ! ), Tim Willocks ( écouté dans la semaine à la Grande Librairie), Victor del Arbol, Dominique Sylvain, Olivier Truc, Camilla Läckberg ( la cohue ! ), la liste est trop longue…Un regret : je ne suis pas arrivée à rencontrer R.J.Ellory, ce sera une autre fois, j’espère. Et nous avons pu voir l’exposition des planches originales du Dahlia Noir par Miles Hyman : splendide !( un aperçu ICI et son site officiel ), l’oeuvre de Jean-Luc Navette, tatoueur et  illustrateur, noir, très noir, voire morbide.

SAM_3767Nous avons terminé la journée par une seconde conférence, encore plus intéressante que la première : le polar, comme un nouveau western, modérée cette fois par Michel Abescat, de Télérama. Nous avons retrouvé Craig Johnson, Ace Atkins, Bruce Holbert et Antonin Varenne, qui se sentait  – physiquement – minuscule à côté de ces trois monstres en santiags ! La conversation s’est déroulée en abordant le thème des personnages, des codes de l’écriture et enfin des paysages; comment le western renaît inlassablement à travers d’autres genres, le polar s’y prêtant bien. Je m’abstiens de vous résumer tout ça, mais ce fut une heure et demie géniale, avec quatre auteurs très ouverts, bien que très différents. Nous avons regretté l’absence de Bertrand Tavernier qui devait mais n’a pas pu être présent; je l’avais écouté il y a deux ans, c’était extraordinaire. Cette rencontre se déroulait Chapelle de la Charité et le matin dans une salle de l’Hôtel de Ville, toutes deux pleines d’ors et de lustres. Quand j’ai vu Johnson après, il m’a dit que ça l’impressionnait, ce genre de lieu : « Eh ! On n’a pas ça chez nous, dans le Wyoming! Ah ah ah !!! » et de rire à gorge déployée. Il reste je crois le personnage le plus apprécié ( la queue pour ses dédicaces rivalisait sans soucis avec celle d’Ellroy ! ) sur ce festival où il revient régulièrement. Il écoute, il répond avec plaisir, on sent son goût des autres, et sa jovialité en fait un des types les plus sympathiques du moment !

J’ai pris quelques photos, mais je ne pense pas avoir le droit de les mettre ici. Je les partagerai en privé avec ceux qui le veulent. 

SAM_3769Ce que je veux dire d’abord sur ces Quais du Polar, c’est  qu’il y règne une ambiance formidable. C’est le genre lui-même, riche de ses multiples variantes et facettes, qui amène un public de tous horizons géographiques, sociaux et culturels et donne un mélange de très bon aloi. Disons les choses comme elles sont, ce festival présente un échantillon très large de lecteurs de tous poils, une réappropriation de la lecture s’opère par un large public hétéroclite, c’est formidable. Voir tous ces gens qui soupirent  » Oh, j’aurais du venir avec une valise ou deux » ou « Ohlala ! Tout ce qu’il me reste à lire ! Je ne vais jamais y arriver !  » et votre Livrophage au désespoir devant ce même constat…

Et toutes les conversations qui se nouent entre de parfaits inconnus, tous ces amoureux des livres…Se sentir en famille, c’est ça…

Sur les Quais, ne sont payantes que les séances de cinéma et les animations des musées ( mais peu chères ), tout le reste est gratuit, l’enquête dans la ville, les visites de l’école de police, les ateliers pour les enfants, les lectures publiques, etc… volonté justement de faire de ce festival des rencontres populaires au plus beau sens du terme.

Je souhaite encore une très longue vie aux Quais du Polar, moments électrisants quand on aime ça. 

SAM_3761Vous pouvez lire ICI ce qui était proposé cette année, ainsi que les résultats des prix attribués à chaque édition ( concours de nouvelles, prix du meilleur polar européen ) . Je vous répète juste qu’il y avait 71 auteurs – c’est pour ça que je vous laisse aller voir vous-même sur le site cette belle liste ! – , et 150 bénévoles . Vous y découvrirez aussi les évènements sur l’année, car les Quais restent là tout le temps, jeux, rencontres et expositions, ainsi que les adresses des librairies partenaires, à fréquenter sans modération!