« Une saison douce » – Milena Agus – Liana Levi/Piccolo, traduit par Marianne Faurobert ( italien)

Une saison douce par Agus« Village perdu

Le jour d’avant, debout devant nos armoires, nous avions interverti nos garde-robes, celle d’été au-dessus, celle d’hiver en dessous. Cette tâche accomplie, nous éprouvâmes la satisfaction de voir chaque chose à sa place, alors que bientôt, plus rien ne le serait. Les envahisseurs débarquèrent et nous prirent par surprise.

Si nous avions été prévenues, le rangement des armoires aurait été le dernier de nos soucis. »

Quel bonheur pour moi de retrouver Milena Agus avec son esprit, son humour et sa pertinence.

Voici un petit village sarde, perdu dans les collines, à demi déserté.

« En attendant, tout le monde se fichait bien de nous, habitants d’un village de bicoques et de rues délabrées, de vieilles baraques rafistolées à grand renfort de parpaings et d’aluminium anodisé. »

Et voici des humanitaires et un groupe de migrants en transit. C’est ici qu’ils vont poser leurs baluchons quelques temps, avant de pouvoir poursuivre leur route de l’exil. Au grand dam de la population. La description que fait Milena Agus de l’endroit et de ses habitants laisse présager très vite le meilleur de son humour décalé, de son ironie, tout ce que j’adore chez elle. Et j’ai lu le sourire aux lèvres ce petit roman fort réjouissant.

« À l’arrivée des migrants, les vieux, surtout les hommes étaient tous morts. Ne restaient que leurs veuves et nous, couples vieillissants formés de femmes vaillantes et rieuses et de leurs maris honnêtes, sérieux et travailleurs mais aux tristes figures, aux sourcils perpétuellement froncés, qui ne semblaient se détendre que lorsqu’ils allaient boire un coup dans l’unique bar du village, qui sentait le bouchon. »

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Bien sûr, les « envahisseurs  » ne seront pas abandonnés à leur sort. 

Comme toujours chez cette autrice, ce sont les femmes qui seront le moteur. D’abord par curiosité, car l’ennui règne dans ce trou perdu, puis par une sorte d’intérêt. La description de l’arrivée de ces migrants et de leurs accompagnants se fait depuis l’abri des fenêtres, alors qu’il pleut et que chacun épie avec consternation ces nouveaux venus. Vont alors se trouver confrontés ceux que Milena Agus nomme les personnages autochtones et les personnages envahisseurs. Leur arrêt doit se faire ici dans la Ruine, une maison délaissée qui leur a été affectée par les autorités, document à l’appui.

« La pluie avait cessé, et nous entreprîmes d’ouvrir les fenêtres pour aérer les lieux, leurs battants s’étaient décrochés des cadres et bringuebalaient, mais quand nous réussîmes à les forcer nous pûmes voir la lumière, étonnamment douce et le ciel, de cet azur particulier qui succède aux orages.

Les pièces dont le plafond  était intact se remplirent de balluchons. Les humanitaires enfilèrent des vêtements secs, mais les migrants ne déballèrent pas leurs affaires. »SAM_4452

Et ainsi va débuter un magnifique exercice d’adaptation, des échanges qui vont commencer piano piano, puis tout ce monde coloré et plein de vie va se mettre en mouvement et en conversation. C’est alors un renouveau épatant de ce village en sommeil, presque mort, où vont se confronter les idées, les coutumes, les désirs, chants et prières, tout ceci va générer une marche en avant que ce village n’avait pas connu depuis fort longtemps, depuis le temps d’avant, avant que les hommes ne partent travailler ailleurs. Le temps où eux aussi migraient.

« Au fond, nos enfants avaient bien fait de prendre leur destin en main et de partir, mais notre crève-cœur, c’était que tôt ou tard, ils nous oubliaient. Au début, ils revenaient, au moins de temps en temps, mais ils s’ennuyaient ici, et regardaient tout de haut. À cause d’eux, nous avions honte des parpaings, du carrelage, du plastique, du fibrociment et de l’aluminium que nous avions substitués à la pierre, à la terre cuite, au bois et aux tuiles ; nous rougissions de nos ordures, qui n’étaient ramassées que deux fois par semaine. »

La galerie de portraits avec entre autres Lina surnommée Le Pou, et sa mère, et du côté des migrants le professeur, l’Ingénieur, est une des réussites du livre. Nombre de conversations vont éclore autant théologiques que philosophiques…enfin à la manière de Milena Agus, ce qui veut dire sans ennui, sans pédanterie, et toujours toujours avec humour et délicatesse. Sans oublier de dire que jamais rien n’est manichéen, évidemment. Ce n’est pas du tout le genre de la dame !

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Je ne raconte pas plus, mais cette histoire contient une superbe réflexion sur notre monde, sur l’humanité avec ses bassesses et ses élans bienveillants et compatissants, sur toutes les ambigüités de ce qui nous constitue. C’est avec les palabres et les discussions parfois animées que va se faire jour une nouvelle communauté qui bien que provisoire, va fonctionner.

« Tout bien réfléchi, il y a de l’ordure en tout être humain, sans quoi nous ne nous ferions pas tant de mal les uns aux autres. C’est cette fange que nous devons extirper de nous, chacun la sienne. »

Le village va revivre, le potager va reprendre du service, les femmes vont à nouveau sourire, aimer et se reconnaître dans leurs alter egos noirs d’ébène. C’est une fois encore un très très beau roman qui m’a réjouie, amusée; il est court et j’en aurais bien repris encore quelques chapitres ! Ce genre de livre, c’est un peu de la potion magique pour les moments où le monde nous semble obscur, c’est de la lumière, du soleil, les mêmes qui embellissent soudain ce pauvre village abandonné, les mêmes qui ouvrent l’esprit des âmes ternes qui y vivent. Tout ça avec intelligence et jamais de sermon. 

Un régal, un bonheur. Milena Agus, j’aime !

Bilan du Challenge : cinq photos, cinq histoires

Je remercie Evelyne de m’avoir conviée à vivre cette expérience . Car c’en est une.

Le plus difficile étant de rester dans les limites que l’on s’est imposées en devenant blogueuse et d’être sincère. Il y a une différence entre parler de ce qu’écrivent les autres, et écrire soi-même pour parler de soi. Parce que là, on parle forcément et directement de soi. Heureusement tout ça est sans prétention aucune, si ce n’est d’échanger avec les personnes les plus fidèles de nos blogs, de faire connaissance avec les autres à travers des moments et des lieux de notre vie. Mais c’est difficile, croyez-moi, parce que l’on se penche sur des points forts ancrés dans notre mémoire, et ça peut faire un peu mal. Mais formidable exercice d’échange et de partage. Vous pouvez lire la participation de l’ami Bernhard/Lorentz, vraiment belle, et j’espère celle de Marie Dhollande , une de mes plus anciennes « suiveuses ». Et peut-être d’autres ? A voir…En tous cas, je réalise plus que jamais comme écrire est impliquant, et puis que j’aurais pu vous parler aussi du Finistère, de la Haute-Loire, de Marseille…Je l’ai fait dans des articles de retour de vacances, je pourrais vous en parler autrement, MAIS, ce blog est dédié à mes lectures avant tout et ce genre d’exercice restera occasionnel. 

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Vue depuis le sommet du Mont Mézenc, encore un endroit dont j’aurais pu parler…

Bilan de 2013, vite fait…

Cau ( o ) sette, qui aime les livres, elle aussi ! SAM_2165

Si je dresse le bilan de ce blog, devenu en Septembre 2013 un blog personnel, après avoir été un blog « officiel » ou « institutionnel », je ne sais pas comment dire ça, eh bien c’est plutôt positif en 4 mois; autant de suiveurs ( même si pour certains d’entre eux, ces pages sont une vitrine ou un passage en mesure d’amener du monde vers leur site, bof, je n’ai rien contre), en tous cas un peu plus de commentaires et quelques copines virtuelles, avec qui j’ai des affinités humaines et idéologiques ( on peut dire ça comme ça ), intellectuelles en tous cas. Pour moi, des découvertes de sites passionnants  comme « Encore du noir » ou « CultURIEUSE » pour ne citer qu’eux .

Vous savez, en zone rurale, plein de choses sont difficiles d’accès, y compris les échanges, et ce blog me fait plaisir de ce point de vue, même si j’aimerai toujours plus les rencontres « en vrai » !

Mon ancien gravatar, visage de bois, en pleine forêt des Cévennes…

gravatarMa seule frustration c’est le manque de discussions à propos des livres dont je parle; les copines n’ont pas beaucoup de temps pour lire et regardent leur pile monter et menacer de s’effondrer sans avoir eu le temps d’y toucher, d’autres ne commentent pas pour diverses raisons ( peur de ne pas bien s’exprimer ou de « laisser des traces » sur le net… ) . Mon truc, rien à faire, ce sont les livres et la lecture, le besoin d’avoir un partage de ces choses que j’aime tant;  parfois je suis un peu sceptique sur ce qui m’est apparu au fil des lignes et j’aimerais bien savoir ce qu’en pensent les autres…Je ne fais aucun complexe par rapport à de nombreux blogs sur la littérature, bien plus « pros » , plus pointus, mais qui très souvent, enlèvent toute envie parce qu’ils racontent tout . Rares sont ceux qui savent ne pas dévoiler, mais dire des choses simplement attirantes, qui éveillent la curiosité et qui vont donner envie d’ouvrir le livre et vite ! ( « Encore du noir », par exemple; je ne sais pas qui est l’auteur, peut-être un libraire, je ne sais pas, ce n’est pas important, en fait ). Et je ne sais pas si j’y arrive, mais je m’y efforce, croyez-moi !

Affiche réalisée par Bruno, pour des lectures publiques en 2012 sur la gastronomie, le polar étant alors notre choix pour sa richesse en textes sur le sujet !

sérienoire2(1)Je pense aussi au « Coin de la limule », blog pour lequel j’ai un attachement particulier.

Par ailleurs, j’ai envie de créer un club de lectrices, mais il faut assez de personnes qui le veulent  aussi, trouver un mode de fonctionnement simple, ouvert et pas  genre « on reste entre nous » si vous voyez ce que je veux dire ! Eh bien ce n’est pas facile, et puis j’ai quelques autres priorités en ce moment et je ne m’en occupe pas encore à fond de ce truc…

Ma librairie préférée où sévit mon libraire préféré qui se reconnaîtra…

cadran-90118Je crois que nous sommes nombreux à tenir un blog pour le simple plaisir de l’expression, parce que ça nous emmène vers des recherches que l’on n’entreprendrait pas autrement, enfin, c’est mon cas, et des découvertes; et puis, – n’est – ce pas, Thomas Fiera ! – vers le réconfort de se sentir moins seul face à des inquiétudes, voire des angoisses devant le monde tel qu’il va, de gueuler un bon coup…On trouve dans vos blogs, camarades, de belles images, de jolis mots, des phrases fortes, de la colère, du bonheur, des inventions de toutes sortes dans les mains d’une petite fée ou d’un œil – objectif, de la rage à la pointe d’un crayon, de la révolte sous les doigts qui courent sur un clavier, et puis du rêve et de la douceur, de la poésie et de l’humour, le don de vos ailleurs, en dessins, en recettes, en mots et en musique …

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Alors poursuivons ces quelques échanges, ils me donnent plein d’énergie et sont devenus un plaisir quotidien pour lequel je vous remercie tous.