Pourquoi j’aime la littérature américaine

les-raisins-de-la-colere_john-steinbeck_080919095112Je patauge depuis quelques temps dans des tentatives de lectures qui, bien que parfois assez plaisantes, ne soulèvent pas mon enthousiasme, ne déclenchent aucune véritable étincelle, ni sourire aux lèvres, ni silence rêveur, ni rage, ni rien du tout…ou presque…Seules mes lectures américaines sont arrivées à m’envoyer  en l’air !  (Excusez la trivialité de l’expression, mais c’est la plus appropriée…désolée ! ) . Ellory est anglais, certes, mais le périple sanglant de ses personnages est américain, et on retrouve là des décors qui au fil des romans me sont devenus familiers, comme si je les avais parcourus moi-même, « en vrai »…Je n’ai que très peu voyagé dans ma vie  et pas très loin. Et plus le temps passe, c’est curieux, et moins j’ai envie de le faire.

Pourtant, quand j’étais bien plus jeune, voyager était un rêve. Et puis, ne partant pas, mais lisant toujours, j’ai fait le tour du monde, et grâce aux écrivains suis descendue dans des lieux où dans la vraie vie je n’aurais sans doute jamais mis les pieds.

« Pike » de Benjamin Whitmer m’a expédiée dans la banlieue misérable de Cincinnati, au pied des Appalaches, parmi les armes à feu et les junkies, les squats et les relais routiers miteux… »Little Bird » de Craig Johnson m’a fait respirer l’air des montagnes du Wyoming, boire un café au Buzzy Bee, le chapeau de cow-boy de Longmire posé sur le comptoir…

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« Le sillage de l’oubli » de Bruce Machart m’a entrebaillé la porte sur un monde masculin impitoyable, sauvage, où le cheval vaut plus que l’homme; Pete Fromm et « Comment tout a commencé » m’a fait venir des larmes pour Austin et Abilene en plein désert texan…Et puis, et puis le géant « Lonesome Dove » de Larry McMurtry et ses 1200 pages de pistes, du Texas au Montana, avec cet équipage hétéroclite de personnages plus attachants les uns que les autres, l’humour, la poésie, la si belle écriture, au rythme des sabots et des roues des chariots, dans les nuages de poussière soulevés par les vaches et les chevaux, les mille péripéties de cette épopée, odyssée fabuleuse. J’ai tant aimé ce livre !

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Et puis, je ne peux pas oublier John Irving, que j’aime depuis toujours, Ron Rash dont je vais essayer de lire le dernier roman tant tout ce qu’il a écrit pour l’instant m’a plu,  l’écolo Rick Bass, et Louis Erdrich l’indienne – son  » Dernier rapport sur les miracles à Little No Horse » est une merveille, un enchantement qu’on ne veut pas quitter – , Joyce Carol Oates et ses chemins tortueux creusés au bistouri dans les âmes humaines, de l’universitaire à la fille tatouée en passant par les enfants sacrifiés et les mères abusives, David Vann,  le terrifiant beau diable aux yeux clairs et ses histoires à faire frémir, et tout ces as du polar, de « La reine des pommes » de Chester Himes, avec Ed Cercueil et Fossoyeur Jones ( « Ma maman elle m’a dit quand j’étais toute gamine : Le whisky et les hommes, mon p’tit, c’est la ruine… »à James Ellroy et son « Dahlia noir » vénéneux…Il y en a tant que je ne peux rendre justice à tous, mais une chose est sûre, c’est qu’eux tous m’ont offert des voyages plus inédits les uns que les autres, dans les rues de Los Angeles, de New York ou d’un bled paumé du comté d’Absaroka, sur les routes interminables de déserts en grandes plaines, et aussi dans le cœur des hommes, sans rien en négliger. Le tout le plus souvent  m’a fait me retrouver enfant, quand le western était roi, et qu’on jouait au shérif, aux cow-boys et aux indiens, la vieille toile à matelas dressée en tipi sur un coin d’herbe, ou les cabanes de trappeurs dans les bois…quand on se prenait pour Josh Randall ou Zorro…

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Je lis en ce moment des nouvelles d’Annie Proulx; et je retrouve là encore avec une autre voix, ce sens du récit, de la narration, descriptive mais qui pourtant creuse loin dans les êtres…

Mesdames et Messieurs les Amerloques, je vous dis « Chapeau » et surtout « Merci » de ces plaisirs immenses que vous me donnez, vos histoires et vos personnages, vos paysages, vos cieux et vos horizons remplacent les avions dans lesquels je ne suis pas montée.

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Et le dernier mot au très grand John Steinbeck, qui résume si bien ce que ses compatriotes et successeurs ont su faire à sa suite: 

«  La bonne histoire consiste en choses à moitié dites qui demandent à être complétées par la propre expérience de l’auditeur. » ( « Tortilla Flat » )