BLOGOPUB !

sans_traces_apparentes_une (1)Ce matin, je trouve un post de mon amie Culturieuse, m’invitant à un petit exercice, elle même sollicitée par Elisa auteure d’un roman que j’ai acheté (en numérique) et à ma plus grande honte pas encore lu…mais ça va venir, promis, Elisa ! Et d’un blog, dédié à l’écriture et à la lecture.

 

photo-culturieuseÀ Martine, je ne peux rien refuser, et puis ça tombe bien, il y a un moment que j’ai envie de préciser, d’expliquer pourquoi je fais un blog, d’où vient-il et où va-t-il…

 

 

 Voici les règles : Écrire un post contenant une brève histoire de votre blog, donner un ou deux conseils pour de nouveaux blogueurs, sélectionner 5 autres blogs à qui vous souhaitez donner le prix et les informer de leur nomination.

Alors voilà : En 2010, alors que j’étais encore responsable volontaire d’une petite bibliothèque voisine, j’ai décidé de créer un blog pour cette bibliothèque. Pour tenter avec un moyen « moderne » de communiquer avec les plus jeunes, si rares dans la fréquentation des lieux, pour présenter aux lecteurs les nouveautés quand elles arrivaient dans nos murs, pour rendre compte des animations, et puis où les membres de l’équipe écriraient de petits articles ou de simples résumés de ce qui leur avait plu. Sans grande surprise pour moi, je me suis retrouvée la seule à écrire, à illustrer, et puis les gens qui ont commencé à suivre ce blog n’étaient pas du tout de la commune. C’était un gros travail pour moi seule, parce qu’en plus de la simple rédaction d’articles, qui n’est pas si simple, vous le savez, vous tous blogueurs, il fallait relayer ce qui se passait culturellement, parler des accueils de classe, etc…Et puis un jour j’ai quitté cette bibliothèque, mais je ne voulais pas laisser en friche tout ce travail que personne ne voulait poursuivre. J’ai donc changé le nom et l’adresse du blog, l’ai renommé, supprimé tout ce qui faisait rappel de l’institution ( ce qui m’a obligée à perdre de nombreuses chroniques sur des lectures qui me tenaient à cœur, mais pas l’énergie de tout retravailler…).

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Table littérature américaine

Mon modeste blog m’avait quand même valu une invitation à intervenir aux Journées des Bibliothèques de l’Ain, puisque nous étions la seule bibliothèque a avoir créé un blog, et les professionnels me félicitaient pour sa qualité. Je suis allée seule à ces rencontres, ce qui m’a décidée définitivement à quitter cette petite bibliothèque où j’avais travaillé 12 ans .

Et maintenant je blogue seule, et du jour où le blog n’a plus représenté que moi, j’ai vu arriver pas mal de personnes, j’ai créé des amitiés vraies et fortes, et ça m’a permis de garder un contact, ici, un peu à l’écart dans ma campagne, avec le monde des amoureux des livres, mais pas que. Des échanges culturels de toutes sortes car comme Martine je suis curieuse de toute la culture.

Une précision sur le nom, Lectrice en campagne : pas juste géographique, cette campagne, mais j’y mets aussi mon militantisme pour la lecture pour tous, le désir ancré après des années au service des publics de faire découvrir et surtout de donner envie.

books-114467_640Bon, je m’aperçois que je n’ai pas fait bref, tant pis. Mes conseils seraient les suivants : ne jamais renoncer à ce en quoi on croit et à ce qu’on est profondément; pour moi, ça consiste à « ne pas écrire de thèses » comme me l’a dit une amie chère qui répondait à mes interrogations sur la qualité ou la pertinence de mes écrits, mais à dire mes enthousiasmes dans un langage simple et clair, à ne pas écrire trop long, à être sincère avant tout. Parce que j’ai d’énormes complexes en lisant certains camarades blogueurs, mais après tout, ici, je suis bien et chez moi en très bonne compagnie, je ne fais pas de compétition et pas de commerce non plus. Je veux rester moi, une Livrophage.

Mes blogs incontournables (certains que j’aurais choisis sont dans ceux de Martine, comme Coquecigrues etc… ! ):

http://litteraventures.com/, et Mary, jeune libraire, une amie de longue date. Lectrice enthousiaste et experte

http://kaliadi.canalblog.com/, mon amie, avec sa fée en colère ou en joie, un trait vif, de l’humour et de l’esprit, je l’aime

http://www.nyctalopes.com/, un nouveau blog, mais déjà praticants, de très belles chroniques et des gens charmants

http://evelyneholingue.com/, franco américaine que j’ai de nombreuses fois citée ici. Auteur jeunesse aux USA où elle vit, elle écrit des merveilles sur le Maine. J’aime, pour les échanges culturels et l’humanité qu’elle dégage.

https://gaeletemmalibraires.wordpress.com/, jeunes libraires à Dinan, j’aime leurs articles courts mais bien sentis et le fait qu’ils répondent aux commentaires avec humour et amabilité !

 

Cinq photos, cinq histoires de Marie Dhollande, la dernière.

RÉVERBÈRE

07 18

« Je vis en un pays où il ne fait jamais nuit.

Quand les nuits trop lourdes s’abattent sur la ville, et quand la canicule étouffe la cité,
quand l’air raréfié stagne pesamment sur la moiteur des corps,
et qu’enfin le silence se fait,

la lumière impitoyable illumine les longues nuits sans sommeil … »

Marie, je te remercie pour cette très belle participation, car non seulement tu as l’œil, mais tu as la plume. J’espère que la présentation de ton travail ici emmènera quelques personnes sensibles vers tes photos, et qu’on continuera ainsi de temps en temps, à être de connivence.

J’en profite aussi pour vous dire d’aller voir et lire la participation de Bernhard, drôle, riche et poétique.

Ce que l’amitié peut faire, tout de même !

Cinq photos, cinq histoires, par Marie Dhollande ( 2 )

OCÉAN

08 51

« J’ai toujours aimé la mer.Ou qu’elle soit. Quelle que soit l’heure ou la saison.

Dans les ports les plus sombres, dans les criques fourmillantes de corps huilés ou dans les interstices des esplanades bétonnées, elle est là quand même.
Méprisante et superbe, se gaussant de ces humains prétentieux qui croyaient la dompter, elle lèche les goûts amers de leur petitesse sachant bien qu’un jour elle les dévorera.

Mes rives à moi sont atlantiques. Elles sont courants et vagues écumantes, elles sont sauvages et farouches. Elles sont baïnes perfides et calmes trompeurs. C’est l’Océan jamais rassasié à qui l’été, aux soleils complices d’insouciance, vient faire offrandes en ses pièges meurtriers.

J’ai toujours craint sa puissance masquée, cette force que souvent elle dissimule pour mieux happer l’oubliant. Je le sais traîtresse autant que belle, sournoise autant qu’attirante.
Alors je reste là, à écouter son chant, à me repaître de sa fraîcheur salée, laissant parfois la vague me caresser quand elle cueille la grève.
S’asseoir près de la frange écumeuse et poser son regard sur les horizons étirés, lisser inlassablement le soyeux du sable qui se creuse, lascif, sous la main.
Fermer les yeux pour mieux écouter, pour mieux ressentir : sous les paupières se jouent des couleurs chatoyantes de kaléidoscope, et le temps se suspend.
Du lointain parviennent parfois, portés brusquement par une gifle de vent, la gaité estivale et les cris des enfants.

Seule avec elle, en marge du monde, je me sens, tout simplement, profondément heureuse … »

11 159

IL Y A…

07 236« Il y a le jour de la lessive. Et puis celui des courses ; et ne vous avisez pas, surtout, de les décaler …
Il y a les journées qui commencent tôt, et le lent et rassurant cortège des gestes soigneux, toujours les mêmes, toujours aux mêmes heures.

Il y a la cuisine, dont tout un mur est occupé par une vaste cheminée dans laquelle on pourrait se tenir debout, si elle n’était encombrée d’un gros poêle en fonte (parce que le feu, voyez-vous, ça salit).
Et les carreaux de faïence bleue, le calendrier des postes, et le bahut de la grand-mère, avec son bois sculpté et son tablier de marbre.

Il y a là un vieux chat trouvé qui dort toute la journée, indifférent, sur une chaise, sa chaise, couverte de vieux chiffons proprement repliés, et une meute de chiens de toutes tailles qui convergent, alléchés par la bonne bouffe qui leur est ici réservée. Pourtant, « ils ont des maîtres, mais ils ne les caressent jamais, les pauvres bêtes, si c’est pas malheureux … ! ».
Et cependant, malgré les papattes boueuses qui vont et viennent, on pourrait manger par terre …

Il y a le salon, dans lequel on ne va que pour regarder la télé (le soir seulement, sauf pendant le Tour de France, pour les paysages) ; personne ne saurait dire la couleur du canapé puisqu’on ne le voit que protégé par une couverture, savamment repositionnée après chaque séance d’abandon télévisuel. Sur le napperon de crochet écru étalé bien au centre de la table basse, un bouquet artificiel darde faussement ses couleurs joyeuses.

Aux murs, quelques photos d’enfants, le bouquet d’anémones en provenance d’une ancienne boîte de chocolats, et une immuable peinture de cerf aux aguets, figé à l’orée d’un bois aux teintes automnales traversé par une rivière, alors qu’à l’arrière-plan, fume la cheminée d’une maison au toit de chaume.
Non, pas de canevas …

Pendant ce temps-là, l’imposante comtoise rythme les minutes de son lourd balancier.

Il y a l’ennui et la monotonie, et le défilé tranquille et rassurant de la vie qui s’écoule. Sans heurts, sans surprise. Quand hier ressemble à aujourd’hui, quand le moindre évènement occupe durablement les pensées, quand la moindre anicroche se transforme en souci, la rupture est totale, plus de passerelles possibles. Mais ça ressemble à du bonheur.

Quand vous arrivez du dehors, n’amenez pas dans vos bagages l’hostilité du monde, ne laissez pas vos peurs et vos angoisses envahir cet espace.
Naufragé, vous êtes sur une île : laissez-vous débarquer un instant, goûtez à ce mystère …Mais c’est peut-être, cependant, le seul endroit que je connaisse dans lequel je suis aussi heureuse d’arriver …. que de repartir !! »

« Cinq photos, cinq histoires » par Marie Dhollande

Marie est une compagne de blog de longue date, mais discrète, très discrète…Néanmoins nous communiquons ponctuellement hors champ et de temps à autre, elle affiche ici un commentaire. J’aime ce qu’elle fait, depuis le début. Elle a participé déjà une fois, par amitié, à un challenge ( Ma bibliothèque ) et j’avais déjà fait la passeuse avec un très beau texte d’elle. Ce rôle de passeuse me plaît, alors comme je l’avais invitée à participer une fois encore, comme je sais son talent pour la photo et que ça me semblait tout approprié, de retour d’Auvergne je trouve dans ma boîte aux lettres toute sa participation. Je publierais celle-ci en trois articles, et voici donc la Scène 1:

La Maison Vieille

la maison vieille

« Quand j’étais enfant, j’observais mon père lorsqu’il sortait avec précaution son « Kodak » de son petit sac de cuir rigide. Je le voyais visser l’objectif, puis disparaître à moitié derrière l’appareil, et, l’œil rivé dans le viseur, ajuster savamment ses réglages.
Je n’apercevais plus de lui que le contour du visage, un œil résolument fermé et une bouche qui se tordait légèrement sous la concentration …. Un rituel un peu mystérieux, transcendé par l’interdit absolu qui m’était fait de toucher à l’objet (qui devint donc, c’est logique, celui de toutes mes convoitises !)

Quand j’ai eu une dizaine d’années, j’eus le droit –enfin !- d’apposer moi aussi mon œil dans la fenêtre magique du viseur. Et là : surprise ! Le monde entier disparut. Ne restait plus de l’univers que cette petite ouverture que JE choisissais : l’appareil photo me coupait des réalités autres, celles que –déjà enfant- je ne voulais pas voir …
A mon oreille, la voix paternelle prodiguait moults conseils : la perception de la lumière, l’orientation du soleil, le choix de la prise de vue. Car il ne fallait pas « gâcher » ! Il fallait prendre « utile » : des personnes, des lieux « intéressants ». La photo n’était pas qu’une technique et encore moins un art, elle se devait d’être une efficace machine à souvenirs.

A mes 14 ans, je reçus mon premier appareil photo.
Bon, il n’était pas comme celui de mon père : là, pas d’objectifs, pas de réglages à dompter … Juste un bouton pour déclencher, et une molette pour faire avancer la pellicule. Le tout fourni avec 2 pellicules 36 diapos 200 ASA, et le mot d’ordre : « entraîne-toi » …

C’est donc sur la 1ère pellicule de mon 1er appareil photo que j’ai pris ce cliché :

On l’appelait « la maison vieille ».
Pourquoi pas « la vieille maison » ? C’était une telle évidence de la nommer ainsi que personne, je crois, n’a jamais interrogé cette anomalie grammaticale ! ….
En torchis, elle fût la toute première maison de mes grands-parents, du temps où ils étaient jeunes métayers : d’un côté l’habitation, de l’autre l’étable.
A l’arrière, le « Ruisseau », et la planche-lavoir de ma grand-mère.
Et devant, le banc en bois sur lequel mon grand-père revint s’asseoir chaque soir, bien après que leur fût construit une petite maison en pierre, en haut de la pente.

Quand j’ai pris cette photo, elle servait de refuge pour les poules, et pour quelques outils.
Sans que rien ne laisse présager une fin aussi imminente, elle s’est écroulée peu après. Lentement, elle s’est tordue, elle s’est recroquevillée, fatiguée. Ses montants en bois se sont couchés, et le torchis est retourné se mélanger la terre.

Pour que mon «histoire » soit complète, je dois quand même ajouter que lorsque je passai à l’examen de passage que mon père fit subir à mes premières photos, celle-ci fût accueillie d’une moue un peu dubitative (mais déjà plus enthousiaste que celle du bouton d’or –que j’ai encore !!-). « C’est bien », m’avait-il dit, « mais ce n’est pas très intéressant ».
40 ans plus tard, elle a fait partie des 5 photos choisies par Télérama pour son concours « photos d’enfance ».
C’était la 1ère fois que je participais à un concours. »

Et la scène 2 : 

Banlieue

 

 

banlieue« Des visages somnolent, les yeux mi-clos tournés vers les lueurs fugaces de la banlieue qui défile, irradiant par éclairs blancs ces peaux teintées de rêve et ternies de fatigue qui puisent leurs racines dans la lumière dorée de l’Afrique, l’espace ouvert des déserts, ou les rues éclatantes des casbahs.

Ils sont venus là, dans leur humanité morcelée, se fondre aux ombres crues de l’éclairage au néon, dans l’espace confiné de ce wagon balloté de tangages, cerné de grincements : improbable mixage de cultures et d’histoires où le noir prédomine.

Et peu à peu avance, et peu à peu s’éclaircit la dominante brune ; prenant d’assaut les clichés et les dernières places, voilà Versailles qui s’engouffre, en costume cravaté, en tailleurs sages et chiffons ramassés, en manteaux bien coupés et brushings au carré.

Et toujours avance.
Avance, et puis s’arrête. De plus en plus souvent.
Repart et puis avance.
Et toujours s’engouffre la marée indistincte des banlieusards prospères. C’est Paris en approche, et l’Afrique se noie ; des rêves se secouent cependant qu’au dehors un filet de jour pluvieux commence à peine à poindre.

La capitale, bientôt, les ingurgitera tous. Indifférente et vorace, elle en digèrera l’énergie sans distinction de classes. Repue, les vomira ce soir … par ordre de couleur, des peaux les plus blanches aux teintes les plus sombres.

Et demain recommencer. »

( Ecrit dans un train de banlieue parisienne,
Il faisait froid ce jour-là.)

Cinq photos, cinq histoires : fin

EPSON MFP image

Ceci est la maison de toutes les vacances de mon enfance et de mon adolescence.

Je vais terminer sur la photo de cette maison, celle de mes grands-parents maternels que je n’ai hélas pas connus, et où nous passions toutes les vacances, tous les week-ends aux beaux jours et parfois en hiver aussi…. Elle n’a eu un peu de confort que bien tard; elle était typiquement la maison de vacances de la campagne, avec la cabane au fond du jardin, juste un poêle à la cuisine ( on réchauffait les lits avec des briques vernies passées au four ) et pendant longtemps il n’y avait que l’eau froide de la source sur une pierre d’évier noire. La salle de bains est venue tard elle aussi. Nous allions aux douches municipales du village voisin, et on barbotait parfois comme de petits chiots dans la rivière qui borde le mur en pierres. Là, c’est la maison, mais tout autour était notre espace de vie et de jeux .C’est dans ce coin-là, entre champs et forêts, qu’avec mes frères et mes sœurs, surtout ma petite sœur, nous avons vaille que vaille traversé l’enfance et une bonne partie de notre adolescence. Nous ne partions jamais en vacances, puisqu’on avait cette maison. Je vous ai déjà parlé – et vous avez constaté dans mes lectures – de mon goût pour les Indiens et les cow-boys, et ces lieux ont résonné de nos cris de sauvages ( cris, ainsi que me l’a confirmé mon copain Bruno, que ne poussaient pas les Indiens. Vous savez, le WOU WOU WOU, la main sur la bouche? Eh ben non ! ). Des journées entières dans les bois, à construire des huttes biscornues, à cueillir des champignons dans nos vestes nouées en besaces. Ma mère avait un grelot qu’elle faisait sonner quand nous devions rentrer et parfois nous n’entendions pas … Les heures chaudes à trépigner de devoir faire la sieste ; on lisait, on lisait tout ce qui nous tombait sous la main dans la chambre sous les toits, des piles de vieux Paris-Match où on voyait les stars du cinéma d’alors, années 60-70, les comics de nos grands frères, Kit Carson en particulier, et même les romans photos de notre grand-tante Louise qui habitait la maison en haut du chemin, et qui nous tint lieu avec bonheur de grand-mère –  un personnage, tante Louise – . Puis le club des Cinq ( rose), Alice ( verte) , et Colette ( Rouge et Or ); après nous amenions nos livres. Je me souviens avoir dévoré « Les âmes mortes » de Gogol d’une traite un après-midi. Ce village, cette maison, c’était la liberté. Nous avions de vieux vélos, mais nous marchions beaucoup, pour cueillir des tas de choses, et jouer, et déjà rêver d’aventures. On pataugeait dans la rivière à essayer d’attraper des goujons à la main, on jouait avec les garçons de la ferme voisine, on montait chercher le lait, et au pré les vaches aussi. Dans une autre ferme, nous achetions le beurre de baratte, moulé et orné de fleurs. L’été sous le tilleul, nous effeuillions la tisane pour l’hiver, on brossait et salait les cornichons, on équeutait les haricots pour les conserves, avant de filer jouer dans les bois. L’automne, c’était les châtaignes, les champignons encore, mûres, framboises…Des heures de cueillette. Nous nous en sommes raconté, des histoires…Dans la forêt à côté vivait une vieille femme seule, très sale et un peu effrayante. Nous disions qu’elle était sorcière. Elle se vêtait toujours de vieux tabliers noirs, et parfois nous la croisions sur le chemin. La collecte des bidons de lait se faisait alors au-dessus de chez nous, et on la voyait passer avec son seau où surnageaient des bestioles, son nez crochu, son dos voûté, tout ça nous faisait carburer l’imaginaire !…Dans une maison abandonnée où nous nous sommes risquées un jour de bravoure, nous avions trouvé une grande photo en noir et blanc d’un jeune homme avec un feutre sur la tête, style années 40, prise de trois quart et assez classe, vous voyez, genre studio Harcourt. Je ne vous dis même pas les scénarios que nous avons échafaudés sur cette maison et cette photo !

De ces saisons de l’enfance et des vacances, j’ai gardé un inattaquable amour de la campagne, de la nature, surtout pour la liberté que j’ai pu y trouver, la possibilité de m’y isoler. Ces lieux sont mon pays. Quant à la maison, elle a quitté la famille (ou l’inverse…), et je n’arrive pas à passer à côté sans chagrin. Les maisons parlent vous savez, elles ont en mémoire entre leurs murs des vies et des rêves, des histoires et des destins, des bonheurs et des drames… ( lire « Les vivants et les ombres » de Diane Meur, très beau livre dont la narratrice est la maison).

J’ai choisi de finir ce challenge sur cet endroit, Evelyne, mais il faut que tu saches qu’il a été très difficile de doser les mots. Tout ceci n’est pas neutre ou anodin. Mon option est de ne pas trop en dire sur moi sur ce blog,  et là il faut avouer que j’ai sans doute un peu dépassé les limites que je me suis imposées. C’est par amitié pour toi et je n’avais pas envie de mettre des choses creuses. Et puis ne nous leurrons pas. Chaque fois que nous écrivons ici – autres lieux – nous livrons inévitablement des morceaux de nous-même. Alors prend ma participation à ce challenge comme un indéniable geste d’amitié.

Le site de Robert Sangouard, qui raconte l’histoire d’un hydravion qui est tombé sur la commune, et plein de choses sur les villages du secteur. Il y a des photos, j’y suis petiote. Il  a été un des premiers élèves de mon père dans ce village, on le voit sur une photo de classe, tout petit avec une ardoise dans les mains. Ah ! J’allais oublier :  le village se nomme St Mamert et c’est le moins peuplé du département du Rhône avec 61 habitants, vous pouvez regarder