« L’amer ( substantif masculin): point de repère fixe et identifiable dans ambiguïté utilisé pour la navigation maritime.
La mère (substantif féminin): femme ayant mis au monde un ou plusieurs enfants.
L’Amer (substantif neutre): femme-ventre figée dans sa forme et identifiable sans ambiguïté allant mettre au monde un enfant. »
Eh bien me voici assez gênée aux entournures avec ce petit recueil qui donc parle de la grossesse, de l’enfantement, du fait d’être « emplie ».
1) »Enceinte. Le monde entier lui montrait deux lignes. Seul le bâtonnet n’avait affiché qu’un trait »
De tout ce que ça génère dans le corps d’une femme, tout ce que ça change aussi dans l’esprit, dans le mental, pendant, et évidemment après; nous qu’on fait passer du statut de femme à statut de mère.
2) »Nausée
Elle haïssait ce mot. »
J’ose espérer qu’on peut être ces deux facettes et même plein d’autres. On ne cesse de nous rabâcher que ce sont nos hormones qui nous commandent… bon, j’aurais beaucoup à dire sur le sujet, mais je m’abstiens…
3) « Un matin, son nombril sortit comme un bec. Je revois son geste, alors, le réflexe enfantin qu’elle avait eu de presser l’accent circonflexe niché sur le haut de son ventre »
Je reviens à ce court recueil de paroles de futures mères. Et à ces mots pensés ou dits, drainant, une masse d’émotions allant de la colère à la peur, puis à l’introspection perplexe, à l’étonnement et l’éblouissement. Passant par le rire et les larmes et vice versa.
« 4) Une femme tombe enceinte et puis elle disparaît, avalée par la forme à laquelle on la résume. »
En neuf fragments, comme les neuf mois de gestation, des voix de femmes qui n’en font au final qu’une, nous portent les impressions physiques et mentales de cet état qui voit le corps se transformer, ressentir des choses inhabituelles, mettre dans des états parfois incontrôlables ou incompréhensibles..
5) » On l’appela, on la guida, on la pesa
Elle sortit
Derrière on appela, guida, pesa une autre comme elle
Qui sortit
Deux ventres se croisèrent sans parler. »
Allant du dégoût, du regret, de la peur à une sorte de bulle dans laquelle la femme et l’être à venir se rejoignent. Jusqu’aux cris de la fin, jusqu’à la douleur, cette douleur de l’enfantement, cette foutue punition divine parait-il d’être née femme. Puis la paix. Parfois. La communication, les premiers échanges tactiles et vocaux.
« 7) Et quand, soudain tranquille, la chose se rendort, elle lui chante le vent, les racines et le ciel, en recouvrant son nom de feuilles rouges et or. Elle berce l’inconnu, à nouveau immobile, en l’embrassant, parfois, de l’arche de ses bras. »
J’ai trouvé l’ouvrage intéressant, assez intense. Et comme c’est court, je n’en fait pas plus, sinon vous proposer quelques phrases de ces neuf phases. Pleines de poésie, en une fin apaisée.
« 9) Ma fille me regarde, je vois bleu.
Bleu comme les lignes, qu’un jour, je m’amusais à découper des yeux. »