Un livre étrange…Un recueil de nouvelles, mais qui sont plutôt les pièces d’un puzzle, puisqu’on retrouve toujours les personnages d’un récit dans un autre, et que l’ensemble a une cohérence. Au fil des années ( de 1940 à 1960 ) et dans le décor d’un Los Angeles populaire et interlope, Ry Cooder présente une galerie de personnages peu communs, dont certains sont authentiques ( Billy Tipton, Merle Travis, par exemple ), beaucoup de musiciens et les bars douteux où ils se produisent. Il y a des meurtres, des manipulations, de l’alcool, et une écriture par laquelle il faut se laisser porter sans trop se poser de questions, ni sur l’histoire, ni sur les intrigues. Ce n’est pas ça qui compte, mais l’atmosphère un peu hors du temps, les Cadillac violette et crème, ou verte et or qui paradent sur Ocean Park Boulevard, les whiskies sour ( whisky + citron + sirop de sucre de canne ) qui arrosent des gosiers déjà bien endommagés…Des moments très beaux et calmes comme celui-ci :
« Donc Herb sortit la Muntz Jet du garage. Scrubby sauta sur le siège passager, prête à faire de la route.
Profond, régulier, le moteur Cadillac ronronnait. Dans une voiture aussi légère que la Muntz, c’était une bombe. Ils roulèrent vers l’Est, sur Pico Boulevard : la Muntz rose, l’homme noir et le chien blanc qui ressemblait à une vieille serpillière. […]
Assise bien droite sur son siège, les poils plaqués en arrière par le vent, les yeux fixés sur la route, Scrubby écoutait le rythme régulier de la voix de Herb qui réfléchissait tout haut.
– Qu’est-ce que les flics veulent à Ned? Qu’on vole un ouvrier, ils s’en balancent. Ne quittez pas la ville ,leur refrain. Je ne vais nulle part, j’aime bien Ringard-Ville. La vie y est facile. On s’est arrangés, avec Andrena. Elle m’enterrera dans son jardin, je ferai la même chose pour elle, selon celui de nous deux qui disparaîtra en premier. Le cimetière de Woodlawn est exclusivement réservé aux Blancs. Pas le droit de s’y amuser, d’y faire des barbecues, d’y écouter Hunter Hancock. Heureusement pour nous, on a un peu d’oseille sous le matelas, pas vrai, Scrubby?
– Ouaf-ouaf ! fit Scrubby. »
Un beau moment de lecture, au milieu du monde des truands à la petite semaine, dentistes au black, véreux de l’immobilier, et des hurluberlus de tous poils comme cette femme, Gerri, qui guette les espions de l’espace …Il est question de musique et de musiciens dans cette Los Angeles qui ressemble à un gros village.
L’auteur, Ry Cooder est d’ailleurs lui-même un guitariste célèbre, auteur et compositeur, en particulier pour des musiques de films ( une vingtaine ) dont « Paris-Texas » et « Las Vegas Parano », et ses participations à des groupes comme le Buena Vista Social Club ou Ali Farka Touré.
Il faut donc, avec ce premier livre de Cooder, se laisser porter de Cadillac en Oldsmobile, de bar louche en cantine chinoise, dans les boulevards de LA, comme les personnages, sans trop se poser de questions…Un livre qui captive surtout pour son atmosphère .
J’adore ce morceau! et j’offrirai le livre à mon guitariste de compagnon. Merciii
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Très spécial, ce livre, j’aime bien être déconcertée de temps en temps; une fois qu’on a pigé l’organisation de la chose, ça roule…
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J’aime beaucoup LA. La LA du livre est plus mythique que celle de 2014. Notre première voiture en Californie était une vieille Oldsmobile parce que nous n’avions pas d’argent pour une nouvelle. Nostalgie pour les premiers jours. Je me souviens aussi de Paris Texas vu en France il y a bien longtemps. Je ne savais pas qu’il y avait d’autres Paris. Il y en un autre dans le Maine aussi. Le clip est super. La route 66 je la connais bien car nous roulons beaucoup dans ce grand pays. La musique du film est superbe. Merci de partager pour ces beaux moments et ce livre avec nous.
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C’est chouette de lire vos souvenirs, moi qui n’ai pas voyagé, lire les expériences des autres, ça me va. Bien sûr, ce LA est celui des années 50 ( pour faire une moyenne ! ), je n’y ai pas retrouvé l’ambiance de la LA de J.Ellroy par exemple, c’est un autre point de vue humain aussi, ça fait une différence.
Merci à vous aussi de partager votre Amérique !
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Que du bonheur ! Pour le moment, on peut dire que je suis pour le moins à l’Ouest (J’ai commencé Lonesome Dove, mais je pense que je vais devoir m’interrompre pour M. Craig ) mais je note, je note.
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Je te conseille de ne pas lâcher Lonesome Dove, et puis c’est quasi impossible, une fois que tu seras sur les pistes avec les cow-boys. Même Craig dirait comme moi, j’en suis certaine !!!
Celui-ci, LA Nostalgie, n’a rien à voir avec Johnson ou McMurtry, c’est plutôt urbain, jazzy, si tu vois ce que je veux dire côté ambiance
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C’est pas mal aussi ! J’en suis qu’au tout début, je n’ai lu que 30 pages peut-être, je n’arrive pas à me poser pour lire depuis deux trois jours 😦 Ceci dit ç’a l’air passionnant et même en ayant peu lu, quelle puissance d’évocation !
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Pour moi un des plus beaux livres de mes lectures de ces 3 dernières années, Puissance d’écriture magnifique, humour et dérision , talent pour planter des personnages extraordinaires, tu verras: on ne voudrait jamais que ça s’arrête !!! Un très grand western
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Tout ça est très tentant.
Et j’adore la musique de « Paris Texas », tellement envoûtante…
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Il y a de cette nonchalance du blues dans ce texte, ce n’est pas un univers de vitesse, ça, j’ai bien aimé, on ne ressent pas le rythme trépidant de la ville,mais celui plutôt cool des personnages
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Ce que je lis ici m’encourage fortement à me plonger dans ces histoires d’autant plus que Ry Cooder est peut-être l’un des guitaristes de rock les plus talentueux de Californie. Il a accompagné Randy Newman, ce qui en dit déjà long sur son talent, et n’a pas hésité à fouiller le sol américain pour en sortir de magnifiques pépites folk et rock gravées sur ses nombreux disques qui n’ont hélas pas connu en Europe le succès qu’ils méritaient. Heureusement, il reste pour les Français l’original et ténébreux guitariste de Paris, Texas et le promoteur désintéressé de musiciens cubains qu’il a généreusement sortis de l’oubli.
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Oui ! c’est un « drôle » de livre, plus une ambiance que des histoires; en fait, on sent le musicien derrière tout ça, on entend. Mais on voit aussi, très bien…Un livre inclassable, que j’ai beaucoup aimé, chez un bel éditeur qui hélas a arrêté ses publications.
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