Sous l’œil de Shakespeare, constante référence, personnage à part entière du roman, Irving nous livre là une histoire d’une très grande liberté, un texte cru sans jamais être vulgaire, passant inlassablement de l’humour au drame, de la dérision au plus grand sérieux, du très grand Irving. Les 100 dernières pages sont d’une terrible puissance , avec des passages complètement bouleversants sur les « années sida ».
Il ne nous prive de rien, John. Que ce soient les scènes d’ébats sexuels en tous genres ( avec force détails, s’il vous plaît ! ), ou la description des mourants du sida à l’hôpital St Vincent, il est d’une liberté totale dans ses propos, sans tabous, sans pudibonderie ( qui gâcherait tout, c’est évident ! ), employant volontiers ( on sent une forme de jubilation ) un langage fleuri – c’est un doux euphémisme! – et d’un réalisme que je trouve, moi, de bon aloi. Il désamorce ainsi, parfois, la noirceur des temps et des propos.
J’ai pour habitude de ne pas faire de résumé des livres dont je veux parler, et cette fois pas plus que les autres. de nombreuses interviews sont en ligne, de nombreuses « analyses », le thème est connu : identité sexuelle ( déjà largement présente dans l’œuvre d’Irving ) , liberté d’être soi, tolérance, et aussi goût de la littérature, etc…( les passages dans lesquels Bill lit « Madame Bovary » à son ami Tom sont mémorables…) sans oublier la lutte et ..les ours ( vous verrez…)
L’écriture, comme d’habitude chez l’auteur, riche en digressions, campe des personnages d’une grande présence; les tics de langage, par exemple, le « Ah! bah… » du grand-père Harry, bienveillant homme, et la manie du héros, Billy, de répéter chaque fin de phrase de son interlocuteur; petits détails qui donnent tout leur caractère aux personnages.
Et puis ce sens des dialogues qui décoiffent…
Extrait ( une infirmière fume devant l’hôpital, un brancard avec un corps sous un drap ):
« Il attend le petit crétin des pompes funèbres, et puis il attend le purgotrucmuche, là…
– Le purgatoire, vous voulez dire?
– Ouais, c’est ça. Et qu’est ce que c’est au juste, vous qui êtes écrivain?
– C’est que je n’y crois pas, moi, au purgatoire, tentai-je, ni à rien de tout ça…
– Je vous demande pas d’y croire, je vous demande ce que c’est !
– Un état intermédiaire, après la mort…
Elle ne me laissa pas finir .
– C’est quand le Tout-Puissant sait pas trop s’il envoie le gars croupir au sous-sol de l’au-delà ou alors à l’étage noble, comme qui dirait ?
– Plus ou moins.[…]
– Qui est-ce ? demandai-je en passant la main au-dessus du corps, comme elle l’avait fait elle-même.
Elle me regarda en plissant les paupières, à cause de la fumée peut-être.
– C’est le Dr Harlow, vous vous souvenez de lui, non ?Je pense pas que le Tout-Puissant va mettre une éternité à trancher son cas ! dit la vieille infirmière.
[…]Il venait de mourir à l’âge de soixante-dix-neuf ans, cet enculé de vieille chouette déplumée. »
Mais néanmoins, ce livre est profondément triste voire pessimiste, parlant de la capacité des hommes à tolérer la différence, la multiplicité des goûts, si divers dans la nature ( et non contre nature ); le livre se termine sur l’ invective d’un jeune homme à Bill ( qui est écrivain ) :
« Dans ce que vous décrivez, il y a tant d’éléments contre nature ! s’ exclama-t-il. Je sais très bien ce que vous êtes, et pas seulement d’après vos écrits. J’ai lu ce que vous dites de vous, dans les interviews. Vous êtes contre nature, vous n’êtes pas normal ! »
[…] Vous êtes bisexuel, c’est bien ça ? Vous trouvez que c’est normal, que c’est naturel? Que ça mérite la sympathie? Vous n’êtes qu’un golfeur ambidextre, me jeta-t-il en ouvrant la porte. »
D’une brûlante actualité, un vibrant plaidoyer pour la tolérance et une humanité commune dans la différence. Ceci peut sembler un lieu commun, et pourtant, nombre de faits démontrent que les préjugés ont la vie dure, et qu’il faut se répéter sans relâche, hélas…Sauf qu’avec Irving qui s’y colle, on y prend un infini plaisir.
La livrophage 
D’abord, je suis trop contente qu’une « visiteuse » de Kaliadi aime lesl ivres et le fasse savoir !
Parce que moi aussi, j’aime lesl ivres !
Quelqu’un qui aime Calvin et Hobbes (j’ai regardé » c’est qui ? ») et qui lit et aime Irving, c’est obligatoirement quelqu’un de bien !!!!
Merci pour ton com et contente de découvrir ton blog
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Ben, c’est moi ! Merci d’avoir jeté un coup d’oeil sur mon blog ! Le tien est très original, bel aspect, lignes pures, humour et poésie, j’aime !
Alors, apprêtons nous à de riches échanges. J’ai voulu souscrire à ton blog, mais je ne veux pas passer par Facebook ou autre, j’ai peut-être pas bien regardé…Comment faiiiiire ??? Ceci dit, j’irai le regarder régulièrement.
Et oui, les livres, la lecture, la littérature, c’est une partie majeure de ma vie. Regarde ( si ce n’est pas fait ) les articles précédents sur Irving, j’aime ce type et ce qu’il dit. Quant à Calvin et Hobbes, c’est juste génial, dans l’idée, dans le dessin, dans tout ce que l’auteur a compris de l’enfance…Voila voila !!!
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Super ! Merci !
Il faut que j’avoue, je ne comprends rien à Facebook, ni le concept ni le fonctionnement, mais sans doute faudra- t-il que Kali s’y fasse voir !
J’étudie la question !
En attendant, tu peux t’abonner à la newsletter sur le blog, tu recevras une notification sur ta boite mail à chaque message, c’est à dire, presque tous les jours !!!
Bon, je vais lire tes précédents articles sur ce fou d’Irving donc la lecture me laisse toujours un peu déboussolée !
A bientôt, c’est sure !
Voilà voilà !
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Je corrige :
…ce fou d’Irving dont la lecture me laisse toujours un peu déboussolée !!!
Voilà ce que c’est de rajouter un bout de phrase sans se relire !!!!
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OK ! Je vais de ce pas m’inscrire à la newsletter.
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Ahahah! voilà l’article mythique qui a permis la rencontre de Kali et la livrophage! J’ai lu ce livre en octobre dernier et moi qui avait cessé de lire Irving ( j’ai été super fan), j’ai adoré celui-là!
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Oui, pareil pour moi ! j’avais quand même bien aimé « Dernière nuit à Twisted River » où j’avais trouvé un Irving en colère et engagé, et dans ce très beau A moi seul…on le retrouve à 100%, les passages où il décrit les gens atteints du sida à NY sont bouleversants. Il reste un auteur qui m’accompagne ( et aussi parce que j’ai la carte qu’il m’a écrite sur ma bibliothèque ! )
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Chanceuse!
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😉
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Je viens toujours lire ou relire tes analyses après mes propres lectures… Je retrouve ici avec bonheur ces personnages riches, attachants, mais jamais dérangeants (tout du mois pour le lecteur !). Des personnages puissants : à la Irving, quoi ….
Et je tombe par hasard sur le début de ton amitié avec Kali !! Sous le haut, bienveillant et involontaire patronage de J.I. : vous ne pouviez rêver mieux 🙂
Merci au passage pour le classement alphabétique des auteurs …
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Ah ! Un très bon Irving celui-ci et oui, c’est ici que j’ai rencontré cette amie devenue si chère à mon cœur. C’est Irving et aussi Jorge Amado qui nous ont réunies, autant dire des bases solides !
Pour le classement par ordre alphabétique, je vais affiner encore dès que j’ai le temps. Je ferai peut-être aussi une page par pays, mais ça, c’est pas demain !
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oh ma Livrophage ! Je viens de finir ce livre ! Je suis partie à la recherche de ton article sur ton blog… Quelle surprise de découvrir que nos premiers échanges ont commencé sur ce post ! C’est touchant ! Drôle aussi les commentaires sur cette rencontre !
Bref, cela me donne le sourire, complice !!!
Pour ce qui concerne le livre, j’avais besoin de lire ton avis, et sans être étonnée, je partage tous tes propos. Je ne dirais pas que j’ai adoré ce livre, on adore pas les livres d’Irving, mais on adore Irving, sa manière de nous passer à l’essoreuse, de nous déstabiliser, de nous mener dans son bateau fou et extraordinaire, à la fois trash, direct, cru et en même temps, et c’est ça qui est très fort étonnamment pudique aux niveaux des émotions, pas mélo pour un sou, jamais larmoyant, toujours élégant en fait. Intime, dans la confidence, sans tabou, et en même temps distancié, il nous dit toujours : je suis écrivain,c’est mon métier, tout ça ce ne sont que des histoires ! Avec ses fixettes récurrentes, ses obsessions, ses personnages énormes, ses situations extrêmes, son univers qui n’appartient qu’ à lui…Et pourtant toujours il nous désarçonne et nous interroge sur l’identité, l’humanité, notre propre tolérance, notre courage, nos lâchetés… Très fort !
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Et bien on peut dire qu’Irving nous a réunies en tous cas, et qu’aujourd’hu, c’est notre anniversaire. C’est exactement ça, je n’ai rien a rajouter. Oui, Je me souviens d’Irving en interview à la télé il y a très longtemps déjà; il disait que quand il écrivait c’était comme s’il bâtissait une maison pleine de portes et de fenêtres, autant de possibilités pour le lecteur de s’aventurer, se perdre, s’enfermer ou sortir, la regarder de l’intérieur, de l’extérieur…Et que en effet, il racontait des histoires. Et moi, j’aime qu’on me raconte des histoires; celles auxquelles parfois on croit, celles auxquelles on feint de croire, celles auxquelles on ne croit pas, mais on les aime, parce qu’elles nous donnent toujours quelque chose, nous apportent toujours quelque chose.
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