Le départ de ma fille au Québec pour 6 mois m’a fait réfléchir à cette relation si particulière, deux femmes dont la plus jeune est au point de sa vie où elle sort de la dépendance à l’autre, une autonomie gagnée de jour en jour, non sans efforts des deux côtés. À ce même point reste l’amour, presque totalement libéré des « contraintes » éducatives et matérielles, et perçu alors avec une acuité presque douloureuse, au moment de la séparation. En littérature, je vous propose quelques titres que j’ai particulièrement aimés et qui m’ont touchée, certains d’auteurs connus et d’autres moins.
Parmi les auteures connues ( tous les livres que je vais citer ici sont écrits par des femmes) : Joyce Carol Oates et deux romans, « Viol, une histoire d’amour » et surtout « Mère disparue » que j’avais adoré, plein de tendresse et d’humour. Ce thème de la relation mère/ fille, J.C.Oates l’aborde conséquemment dans nombre de ses romans, comme « Blonde », mais ces deux sont extrêmement forts.
« Lorsque je suis née, le 1er juin 1926, dans la salle commune de l’hôpital du comté de Los Angeles, ma mère n’était pas là.
Où elle était, personne ne le savait !
Plus tard des gens l’ont trouvée qui se cachait et, choqués et désapprobateurs, ils ont dit : « Vous avez un beau bébé, madame Mortensen, est-ce que vous ne voulez pas prendre votre beau bébé dans vos bras ? C’est une petite fille, il est temps de l’allaiter. » Mais ma mère a tourné son visage vers le mur. De ses seins gouttait un lait comme du pus, mais pas pour moi.
( extrait de « Blonde » )
« Les demeurées » de Jeanne Benameur ( de mon point de vue, c’est son meilleur roman ):
« Le silence entre elles deux tisse et détruit le monde. »
« Ce que je sais de Vera Candida » de Véronique Ovaldé au top de son écriture et de son imaginaire.
« L’odeur de Monica Rose faisait chavirer Vera Candida. Elle s’asseyait près de sa fille et plongeait le visage dans ses cheveux. Ils sentaient le sel et l’iode, le vent et quelque chose de plus souterrain et mammifère, comme la sueur d’un minuscule rongeur ou bien d’un petit loup. Monica Rose sentait la fourrure. Vera Candida se disait toujours : »Comment ferai-je quand je serai une très vieille femme, que je n’y verrai plus, que je tenterai de me souvenir de cette odeur? » Elle s’efforçait d’enregistrer comme sur des cylindres d’argile les sensations liées à sa fille : la main de la petite dans la sienne, la façon dont Monica Rose serrait son cou avec ses bras aussi fins que des roseaux, elle serrait serrait en y mettant toute sa minuscule force, et c’était inenvisageable de ne plus être deux un jour, c’était si injuste que cela paraissait impossible. »
Enfin « Paula » d’Isabel Allende. Ce livre-ci n’est pas un roman, mais un récit autobiographique. Isabel Allende parle à sa fille Paula, dans le coma sur un lit d’hôpital, atteinte d’une maladie dont elle mourra un an plus tard. Et face au chagrin de voir sa fille la quitter inexorablement, elle entreprend de lui raconter l’histoire familiale. Ainsi, les pages alternent rires et larmes, on retrouve la verve de cette femme dont « La maison aux esprits » m’a littéralement enchantée, et on comprend mieux d’où vient ce talent à conter, à inventer et à imaginer, dans ce livre bouleversant de sincérité.
« …elle l’accueillit en ce monde par une cascade de paroles tendres dans un langage récemment inventé, l’embrassant, la reniflant comme le font toutes les femelles, puis elle la posa sur son sein. Le plus vieux geste de l’humanité. »
Pour les auteures moins connues, deux livres d’une grande force, que je vous conseille vivement. « Génie la Folle » d’Inès Cagnati…Pour moi, un des plus beaux livres que je connaisse sur cette relation mère/fille, mais aussi sur la relégation, dans une langue dénuée de tout artifice, très émouvante, un livre dont je ne suis pas ressortie indemne. Lu il y a très longtemps déjà, je ne l’ai pas oublié…
« La ballade d’Iza » de Magda Szabo, écrivaine hongroise que nous a fait découvrir Viviane Hamy, avec son roman « La porte », qui m’avait emballée, suivi de cette ballade d’Iza, qui décrit la relation d’une fille à sa mère vieillissante. Qu’on se trouve d’un côté ou de l’autre ( ou les deux ! ), ce livre fait un peu peur, mais surtout fait réfléchir profondément. Attend -t- on quoi que ce soit de nos mères, et de nos filles ? Si ce n’est l’amour, la chaleur des bras enclos, la compréhension et le réconfort ? Mais l’amour, oui, si fort…Pourtant parfois absent, perdu dans un vide que rien ne viendra jamais combler. Dans ces romans, de nombreux aspects de cette relation mère et fille sont abordés, de l’amour fou à l’absence d’amour ou pire encore le rejet total…Un thème à explorer, je pense.
Courage ! Ces citations sont vraiment très belles. Je n’ai pas lu sur la relation mère-fille, encore, mais je pense que ça viendra. Merci en tous cas pour ces titres. Je reste à portée de mail au besoin 🙂
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Ne t’inquiètes pas, ça va ! On parle sur FB et par mail, un peu Skype, mais ça marche pas terrible terrible ! Il faut apprendre à vivre à distance, et l’essentiel c’est que nous sachions que nous sommes toujours là l’une pour l’autre, et qu’on s’aime ! Elle va vivre de très beaux mois, avec son ami, en plus, alors, c’est merveilleux. Mais c’est vrai que ce départ lointain m’a fait réfléchir à plein de choses. Dans ces livres, certains sont drôles, mais émouvants, d’autres franchement tristes, mais tous disent de belles choses.En tous cas, merci de ce petit message amical !
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Parlant de relation mère-fille, je pense quand même d’emblée (quoique ce soit ici une relation mère-fils) au personnage de Jenny Fields, la maman de Garp, personnage dont la description qui a le mérite de sortir des sentiers battus de l’ydillique maternité :
« Un jour, se disait Jenny Fields, elle aimerait avoir un enfant – rien qu’un. L’ennui, c’était qu’elle voulait avoir le moins possible de choses à faire avec les zizis, et en tous cas, rien du tout avec les hommes. »
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Ah ben je suis d’accord ! Et les livres dont je parle sont loin de parler d’idylle entre mère et fille, mais ils parlent d’amour ou d’absence d’amour ou d’amour qui détruit. Nous ne sommes pas venues au monde mères; bien sûr…J’ai parlé de ça, parce qu’en l’occurrence, c’est à ça que je pense en ce moment; si tu veux, on s’attaque à mère-fils ! Le livre de ma mère d’Albert Cohen…Oui, Garp, forcément et plusieurs autres d’Irving, qui -et c’est pour ça que je l’aime- explore tout ça sans vergogne, et sans tabous, lui que d’aucuns décrivent comme un wasp bien propret, ce qu’il n’est bien évidemment pas. Jenny Fields est parfois monstrueuse, plus souvent qu’à son tour…comme toutes les mères ?
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Je vais essayer de trouver (un jour) de belles citations comme tu en as trouvé pour parler de la relation père-fille …. La nôtre (23 ans) vient de rentrer en France après un grand périple de plus de six mois (en stop et vélo) de Bali à Paris…. ce n’était pas toujours facile non plus, même si nous nous sommes déjà habitués à son « absence » puisqu’elle vit à Paris….près de son frère…
Cette vidéo réalisée par son accolyte pendant une grande partie du voyage – je me la passe en boucle….
Merci pour ton texte pleine de sensibilité…
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Ils ont de la chance, on les aime tellement…On a pas tous eu cette…chance ? Mot inapproprié, quand on a des enfants, quand on les a fait venir parmi nous, c’est pour leur donner de l’amour; les autres, les privés de tendresse, ils en bavent, de ce manque …toute leur vie ! Je vais regarder ta vidéo…sur le champ
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Oui, oui, oui, oui à tous ce que tu dis!!
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Elle est belle, ta fille, et gaie et épanouie, y a pas de mystère…La mienne aussi elle est belle, tu sais ! 🙂 et elle a 24 ans, et mes enfants, je les aime et puis voilà !
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Je viens aussi de regarder la vidéo : quelle magnifique expérience !
Et finalement, n’est-ce pas là une énorme preuve d’amour ? Les laisser partir ….. Tout simplement.
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N’est-ce pas ? Les laisser partir…Leur permettre de partir, les aider à partir…Ils entrent dans la vie avec beaucoup plus que d’autres, ils le savent, c’est une chance, et c’est bien !
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Super billet sur les thème très forts que sont la maternité et la relation si unique et parfois difficile entre mère et fille. Joyce Carol Oates est une grande dame et l’une de mes préférées dans la littérature américaine. Les livres qu’elle a écrits et que tu mets en avant sont trop beaux. Je suis en train de lire I’ll Take You There et le thème de l’absence de la mère est une fois encore très important dans ce roman, même si l’histoire en parle peu de façon directe.
Merci pour les autres suggestions de lecture et plein de bonnes choses pour ta fille pendant son séjour au Québec, une région du Canada que j’aime énormément. Bonne littérature là-bas aussi !
Ne t’en fais pas trop pour elle. Si votre relation est si forte, elle n’en sera que grandie par l’éloignement.
L’extrait que tu as choisi d’Isabel Allende (une autre grande dame) est magnifique et illustre si parfaitement l’accueil du nouveau né par sa mère.
Question: lorsque tu dis « …ou pire encore le rejet total…Un thème à explorer, je pense, » veux-tu dire que peu de romans traite du rejet de la part de la mère ou de la fille? Certaines filles choisissent en effet la rupture totale avec leur mères, plus rare que l’inverse, mais cela arrive.
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Merci Evelyne pour ce commentaire. Le rejet total, dans un sens ou l’autre…Si, traité en littérature; et ici je n’ai mis que quelques titres qui traitent du sujet, il y en a des quantités impressionnantes, je n’ai choisi que ceux que j’ai vraiment beaucoup aimés;ce thème est exploré, je voulais juste dire qu’en fait, j’en reparlerai probablement une autre fois ! On a tous eu une mère, et une histoire avec elle, et on n’envisage pas les choses de la même manière au fil des ans, cette relation change, comme toutes les relations, mais les chagrins parfois générés par celle-ci eux, restent pour toujours, les autres, pas toujours
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Exact! Je lirai avec intérêt ton billet sur ce sujet si riche en émotions.
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