Ah ! Quel bonheur! Je salue Céline Minard pour ce roman, une vraie de vraie réussite enthousiasmante et réconfortante. Parce que cette sorte de livre me réconcilie avec la littérature française j’en veux encore, j’en redemande, de l’authentique fiction ! Tantôt lyrique, tantôt burlesque, du drame à la comédie comme savent si bien le faire ses homologues américains quand ils s’approprient le genre western, Céline Minard écrit une épopée dans la grande lignée de la mythologie du Far-West. Un départ tout en lenteur, un chariot où hurle la grand-mère mourante escortée de ses deux fils, de son petit fils et d’une gamine apprivoisée, les paysages peints par le souffle des vents, empreints des magies indiennes dont Eau-qui-court-sur-la-plaine est la maîtresse; les personnages tracent leur chemin et vont converger vers une ébauche de ville où naîtra une civilisation. Mais avec quelle liberté et quel brio Céline Minard s’empare de ces mythes ! Elle dessine une fresque pleine d’énergie et de véracité même dans les scènes les plus improbables.
Dans l’Ouest de Céline Minard tout peut arriver, tout est possible, tout est en devenir. J’ai adoré la scène des bains où nos cow-boys discutent de l’Amour, par exemple:
« Selon Zeb, Amour était quelqu’un. Il avait été engendré dans des temps très anciens par le dieu de la ressource un soir qu’il était pris de boisson et qu’il était tombé sur une humaine en haillons, la pauvreté incarnée, superbe, endormie devant la porte du saloon. C’est pour cette raison qu’Amour était dur, pauvre, en sandales, sans maison, mais résolu, ardent, excellent pisteur, sorcier magicien et beau parleur. Ni mortel ni immortel, jamais longtemps satisfait, jamais vraiment fatigué, Amour, avait dit Zébulon, était un bâtard de toute beauté. »
La galerie de portrait est complète ( parfois on pense même à Lucky Luke ! ) : le barbier, l’armurier et l’inénarrable saloon de Sally qui joue aussi bien de son charme que de son Derringer ! Les Indiens, les Chinois, le colporteur, les troupeaux et les voleurs et je n’oublie pas les tueurs à gages, tous sont là, impeccables en toutes circonstances . Les derniers chapitres, comme au cinéma, déroulent un dénouement au ralenti et silencieux ( on peut se mettre la bande-son harmonica ) et puis tout reprend son cours, la genèse a eu lieu et la ville va grandir, les couples se sont formés, les voies se sont trouvées. Mais je ne dois pas manquer de dire que c’est un livre subtil , un vrai western et non une parodie ou une mauvaise imitation; sonore, odorant, chatoyant, derrière le décor se révèle une vraie réflexion sur la naissance d’un monde et sur ce qui fait les hommes.
Ainsi quand on apprend l’histoire de Zébulon :
« Un terrier, un endroit à lui. Loin en arrière dans la forêt qu’il chérissait comme un trésor.[…] Elle était pour lui un refuge, elle le nourrissait, elle le berçait quand il en avait besoin. Il pouvait y disparaître en un clin d’oeil. Il avait recours à elle.[…]
Le jour de ses douze ans, il s’était aperçu en attrapant des grenouilles qu’il avait vécu plus longtemps dans les bois que sous le toit paternel. Qu’il avait mieux mangé. Qu’il s’était senti moins seul. Et comme il n’avait jamais pensé à sa solitude, il avait été submergé ce jour-là par un sentiment de tristesse et de liberté trop grand pour son âge. »
Vous pouvez lire l’article paru dans Télérama avec qui – pour une fois ! – je suis d’accord.
J’ai vraiment beaucoup aimé cette lecture, de celles qui me font partir illico, voir et entendre ce qui défile sur les pages et participer à l’histoire. De celles qui font du bien.
Du souffle, de la force, du talent, je me suis ré-ga-lée !
Ah ben…ça donne envie!
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J’espère ! Je trouve très fort qu’une nana française nous fasse un livre tel que celui-ci, chapeau !
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J’avais eu très envie de le lire à sa sortie, il est d’ailleurs dans ma « pile à lire », mais l’envie s’est émoussée; ton billet enthousiaste me redonne l’envie de m’y plonger, je suis sensible à ce que tu dis sur le souffle du roman!
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Contente à l’idée de donner ou redonner envie !J’en ai parlé avec des amis hier, de ce livre, ils ont aimé aussi, la construction bien menée, les personnages, les images suscitées. Ce livre, si on le lit sans rien en savoir sur l’auteur par exemple, on se dit : homme , américain à chapeau de cow-boy, sauf que non. J’admire ! Il faut certes aimer le genre western – c’est mon cas – mais ça va bien au-delà, sans compter l’exercice de style…enfin bref, j’attends des nouvelles de votre expérience « Faillir être flingué » !
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Et je ne l’ai toujours pas lu, aie aie aie ! Ca donne envie en tous cas, et ça me conforte dans l’idée qu’il devient urgent que je le lise, d’ailleurs 😀
A très bientôt, et merci !
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ça vaut le coup, c’est juste trop court !!! Evidemment, ça n’est pas Lonesome Dove, et d’ailleurs le thème est différent, mais en attendant : douée, la nana !!!
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A lire, donc 🙂
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Ping : Deux livres, l’un terminé et l’autre pas. | La livrophage
Je suis totalement passé à côté de ce récit… A relire peut-être…
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Dommage!
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