« La comtesse de Ricotta » de Milena Agus- éditions Liana Levi – traduit par Françoise Brun
Voici le dernier roman de Milena Agus, auteur sarde à laquelle je voue une amitié particulière, depuis son premier livre, « Mal de pierre ». Milena Agus a une voix singulière; est-ce dû à son île, qu’elle nous donne tant envie de connaître ? Et c’est avec toujours le même plaisir que j’ai lu ce petit livre où on retrouve la jeune femme de « Mon voisin », mais cette fois en compagnie de ses deux soeurs. Personnages fantasques, ambiance chaude et électrique, il est question de la fragilité des êtres, de leurs manières différentes d’affronter les évènements de la vie, de tenter de se protéger des aléas non seulement de la fortune, mais aussi de ceux des émotions… Ces trois femmes, chacune à leur façon, avancent sur leur chemin, sur les traces que leur enfance et leur origine ont dessinées, chacune avec un regard et des armes différentes. La comtesse de Ricotta, si touchante est, elle, la plus désarmée…Parfois, on sourit, mais au fond, l’histoire est triste…Milena Agus ne peut sans doute pas plaire à tous, mais personnellement j’attends toujours ses livres avec impatience, parce que j’aime sa manière de parler des femmes et de sa Sardaigne, dont le décor est essentiel. Une belle lecture…
Autre ambiance, autre lieu et des hommes…
« Le sillage de l’oubli » de Bruce Machart – éditions Gallmeister – traduit par Marc Amfreville
Pas facile de passer de l’univers féminin de Milena Agus à celui, âpre, violent, viril, de Bruce Machart…Mais c’est un des miracles de la lecture, de nous transporter en un livre fermé à un autre ouvert, d’un lieu à un autre, d’un temps à un autre, de nous donner à entendre des voix si différentes par le simple geste de se saisir d’un livre sur une étagère…
Texas, tout début du XXème siècle. Un homme perd la femme qu’il aimait alors qu’elle vient de mettre au monde son quatrième fils. Le roman parle des conséquences de cette mort. Je ne veux rien raconter car ce que je dirais n’exprimerait jamais la force de cette écriture. Je dirais que ce roman est de chair et de sang, organique …Le corps porte sur lui tous les stigmates des évènements qui se déroulent. Bagarres, coups portés avec une violence inouïe, à travers les plaies physiques apparaissent celles de ce qu’on appelle l’âme,et l’âme de ces hommes est pour le moinssombre et torturée. Enfin, j’ai ressenti comme étant le fil conducteur de l’histoire l’absence de la mère et épouse, cruellement manquante, dont la disparition décuple la violence. Comme le plus souvent dans la littérature américaine, il est encore et toujours question de rédemption. Mais avec quel talent Bruce Machart dépeint cette quête ! Sa langue est riche et précise, à nous faire ressentir les coups, les brûlures, les sensations de toutes sortes, la pluie qui fouette le visage de Karel sur son cheval au galop, ses impressions quand il découvre la nudité féminine par exemple. Et c’est à travers les femmes de l’histoire, à travers leur lucidité et leur clairvoyance, que la rédemption arrive. Elles sont celles qui déclenchent- à mon avis involontairement – haines, passions, rancunes et chagrins chez les hommes, mais ce sont elles aussi qui apaisent grâce à leur capacité à réfléchir plutôt que de céder à l’impulsivité.
Enfin, un nouveau talent à découvrir…
site officiel de l’auteur ( traduit en français ) dans les liens « auteurs »
Très beau texte de votre part madame.
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