Trois brèves, trois livres

Un format peu habituel chez moi, mais je veux dire quelques mots de trois livres, le premier acheté les deux autres prêtés. Pourquoi des brèves? Parce que je suis fatiguée, et qu’après ça il y aura une courte pause estivale. Parce que je lis beaucoup, je n’écris pas toujours, je ne trouve pas toujours l’angle d’approche, bref. Alors je me concentre sur mes lectures les plus intéressantes pour écrire longuement. Pourtant le premier de ces trois livres, je ne l’ai pas lâché. Il a eu la malchance de tomber dans une période agitée, et je n’ai pas réussi à en parler longuement. Je tiens pourtant à en dire quelques mots.

9782743649425-475x500-1« Rivière tremblante » d’Andrée A. Michaud, Rivages/Noir.

Ce roman met en scène deux disparitions d’enfants. D’une part en 1979, Michael âgé de 12 ans qui disparaît dans la forêt de Rivière-aux-Trembles alors qu’il s’y trouve avec son amie Marnie Duchamp. On ne retrouve qu’une de ses chaussures. Trente ans plus tard tout près dans une petite ville disparaît Billie Richard qui doit fêter ses 9 ans mais ne rentre pas chez elle.

Les deux enfants ont semble-t-il été happés par la forêt. On va ainsi suivre Marnie et le père de Billie dans leur vie avec cette culpabilité, ce désarroi face à l’absence de réponse sur ces pertes, le virage qu’ont pris leurs vies après ces disparitions entre autres par les soupçons qui pèsent sur eux par rapport à leur responsabilité ou juste de faillibilité parentale pour le père de Billie. Jusqu’à ce qu’un nouveau drame se produise. Voici le bref aperçu du sujet et le tout est très prenant, faisant de ce livre un roman psychologique au meilleur sens du terme. Mais il vaut aussi pour la beauté, le piquant de l’écriture, l’humour triste ou ironique d’Andrée Michaud, le décor, ces lieux où la forêt, l’eau, les animaux ont une place majeure dans le caractère des personnages et puis il y a l’empathie qu’on ressent pour tous, pour moi beaucoup pour Marnie. J’ai adoré ce roman, ce n’est que le second que je lis de cette auteure. J’avais été emballée par « Bondrée », j’ai bien l’intention de lire plein d’autres livres de cette femme dont le talent me fascine. Il faudra vous contenter de ça cette fois ! Un morceau sur une page cornée:

« Il y a des parents qui tentent de tout expliquer de façon rationnelle à leurs enfants dès que ceux-ci percent leurs premières dents, qui leur détaillent la loi de la relativité à quatre ans, les empêchent d’écouter Télétoon et refusent de les laisser s’évader dans ces mondes magiques remplis de créatures insaisissables, monstres ou fées, ogres ou farfadets se nichant dans les rêves pour vous apprendre que le réel n’est pas toujours ce qu’il paraît être et qu’il existe des univers où les arbres sont rouges, où des fleurs de la taille d’un cachalot sillonnent les océans. »

M02070427528-large« Grand-père » – Marina Picasso – Folio

Récit autobiographique de la petite fille de Pablo Picasso, fille de Paulo et sœur de Pablito…Aucun garçon de la famille n’a le droit de porter le prénom du monstre sacré, génie, grand homme…Quel que soit le nom qu’on lui donne, ce récit si touchant, triste, qui met souvent en colère, montre ce qui reste de l’homme quand on a ôté l’artiste. Pablo Picasso ne fut qu’un artiste et si on se met à le détester plus d’une fois par sa capacité à être cruel, odieux, on est assez sidéré de l’indulgence finale de Marina, qui loin d’être élevée dans le luxe et l’aisance – l’héritage viendra bien plus tard – va apprendre à se débrouiller seule. Remarque de Paulo :

« Comment devenir un homme responsable lorsque, au restaurant, il suffit à ce père insolent de signer sur une nappe en papier pour payer une addition de quarante personnes ? Comment adopter un mode de vie cohérent lorsqu’on entend ce père se vanter de pouvoir acheter une maison sans passer par le notaire, avec trois tableaux qu’il qualifiait avec morgue de « trois merdes barbouillées dans la nuit » ? »

Le passage le plus horrible est la mort de son frère. Et la question est : le « génie » excuse-t-il tout? Je vous laisse à votre point de vue, c’est bien écrit, intéressant, prenant et ça peut susciter des sentiments antagonistes parfois. Je ne vous livre pas mon avis, j’ai du mal à le formuler, mais j’ai aimé cette lecture. Après la mort du grand – père, Marina:

« Pour Picasso, l’objet le plus banal devenait une œuvre.

Il en était de même pour les femmes qui avaient eu le privilège – ou le malheur- d’être prises dans sa tornade. Soumises à sa sexualité animale, il les domptait, les envoûtait, les aspirait, les écrasait sur sa toile. Lorsque des nuits durant il en avait tiré la quintessence, il les rejetait exsangues. 

Tel un vampire au lever du soleil »

4121TaTTQCL._SX195_« Surface » d’Olivier Norek – Pocket

J’ai beaucoup aimé la trilogie et le magnifique « Entre deux mondes » de cet auteur à la plume dynamique, prenante, parfois facétieuse, et en tous cas, voici quelqu’un qui sait écrire. En effet, difficile de lâcher quand on commence. Cependant sans doute est-ce ici le sujet qui m’a moins captivée, mais je suis moins enthousiaste. Noémie Chastain est un très beau personnage, j’ai aimé le lieu de l’histoire, un coin de l’Aveyron moins touristique que d’autres, l’enquête est touffue à souhait. Ce qui fait que j’ai moins accroché c’est qu’ici il n’y a pas la profondeur des sujets précédents et puis bon, je ne suis pas fan d’un petit côté sentimental dans cette histoire. Néanmoins ça reste de très bon niveau, mais j’attends plutôt de lire « Impact » qui je n’en doute pas une seconde me plaira. J’ai lu quelque part qu’Olivier Norek écrirait du thriller ( sans doute parce qu’hélas c’est ce terme mis sur Pocket en 4ème de couv’… ) mais il s’agit bien de roman policier, qui – en particulier dans « Entre deux mondes » –  s’attaque à des sujets de société non négligeables, avec nuances et humanité. 

« Souffle brûlant, odeur âcre de poudre à canon. Dans les yeux, le nez, la bouche, jusqu’au fond de la gorge.

Le corps de Noémie partit en arrière. Elle percuta le mur de la chambre, s’écroula au sol, disloquée comme une poupée de chiffon, et ne sentit rien pendant quelques secondes. Puis elle hurla de douleur. Elle toucha son visage. Juste des chairs à vif. Du liquide poisseux. Son cerveau la protégea par un black-out généralisé. »

17 réflexions au sujet de « Trois brèves, trois livres »

  1. J’ai lu deux de ces livres, Andrée A. Michaud a une sacrée plume, tu as raison et j’avais beaucoup aimé ce livre, autant que Bondrée! J’ai aussi lu « Tempêtes » dont j’ai moins aimé l’histoire mais que j’ai terminé rien que pour le plaisir de lire cette écriture reconnaissable en mille! Et « Surface », j’avais aimé l’ambiance, l’écriture, un bon polar! En le livre de Marina Picasso, lors d’une visite de mes deux sœurs aînée, l’une d’elle le lisait, elle m’avait dit que j’aimerais sûrement et a promis de me l’envoyer dès qu’elle l’aurait terminé! J’aime beaucoup les (auto)biographies d’artistes que j’aime, comme celle de Camille Claudel, de Patti Smith, de Miles Davis, la chronique de Bob Dylan, de Leonard Cohen et de Modigliani (sans doute parce que c’est un de mes peintres préférés mais pas que, c’est un bon livre très intéressant)! Merci pour ce bel article!

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  2. J’aime beaucoup vous lire, même si je n’en fais pas autant pour les livres que vous décrivez.
    Il me vient à penser que vous avez probablement l’étoffe d’un écrivain.
    L’envie ne vous est jamais venue ?
    Reposez vous bien pendant ce drôle d’été.
    Au plaisir de lire vos commentaires à la rentrée !

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  3. Bonjour Lectrice,
    Andrée A. Michaud mérite que l’on parle de ses bouquins, quel plaisir de lecture !
    Je suis moins enthousiaste pour Norek, parfois l’impression qu’il souligne trop les choses, peut-être par manque de confiance, alors qu’il a effectivement un talent indéniable pour raconter. Quant au troisième livre évoqué, j’avoue que les biographie d’artiste ne sont pas vraiment ma tasse de thè… Bon repos !
    Amicalement

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  4. Je note Andrée A Michaud. Curieusement je suis actuellement dans les polars avec des disparitions d’enfants, d’auteurs espagnols,argentins,et même belges avec un auteur que j’ai découvert Armel Job”En son absence ”.
    J’avais lu aussi le témoignage de la petite fille de Picasso. Très dérangeant et très émouvant. Un grand père odieux.
    Entre deux mondes d’Olivier Norek était bien.

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