Peter May n’écrit jamais aussi bien que quand il parle de l’Écosse, et ça se confirme avec ce bon roman, construit entre deux pays aux paysages et à l’histoire tout aussi fascinants l’un que l’autre – l’Écosse et les Hébrides Extérieures, le Québec et les Îles de la Madeleine – et entre deux époques.
L’auteur construit une fresque historique de front avec une enquête de police qui se mêlent étroitement sans qu’on perde le fil, si bien qu’on avance dans la lecture sans décrocher. Une histoire très contemporaine d’un côté et de l’autre le journal écrit par un immigré écossais.
J’ai aimé dans ce livre la tension créée par l’insomnie de l’enquêteur Sime MacKenzie, personnage qui fait des rêves éveillés qui l’obsèdent, et qui de nuit blanche en nuit blanche perd peu à peu pied. Un être emporté et mélancolique tout à la fois, qui inspire de la compassion (surtout si on sait ce qu’est l’insomnie…)
« Soudain, Sime se sentit sombrer et l’assurance qu’il affichait jusque-là tomba comme un masque. Incapable de croiser le regard de Blanc, il laissa tomber sa tête vers l’avant. « Tu n’as pas idée de ce que c’est, Thomas. » s’entendit-il dire. Sa voix semblait désincarnée, lointaine. Elle appartenait à quelqu’un d’autre. « Nuit après nuit, après nuit. A fixer un putain de plafond en comptant ses battements de cœur. Les secondes qui deviennent des minutes, qui deviennent des heures. Et plus tu essaies de dormir, plus c’est difficile. Quand le matin arrive, tu es encore plus épuisé que la veille et tu te demandes comment tu vas tenir un jour de plus. » »
J’ai aimé l’histoire de ces îles écossaises aux XIXème siècle et de l’immigration de leurs habitants, chassés par les propriétaires terriens et la misère, contée par le biais d’une très romanesque histoire d’amour, qui relie hier et aujourd’hui. Un lien qu’au fil de ses livres Peter May nous donne à explorer, ce que nous sommes et ce que nous fûmes, et le poids que peut avoir l’histoire, petite ou grande, dans nos vies. J’ai aimé surtout le superbe décor naturel de chaque côté de l’océan, la sauvagerie impitoyable des tempêtes, les falaises déchirées et l’océan furieux, plus forts que les hommes, qui néanmoins arrivent à vivre au cœur de cette nature qui façonne leur caractère.
Les 150 dernières pages, celles de l’apaisement, sont mes préférées, quand tout se dénoue peu à peu, les retrouvailles de Sime avec ses ancêtres et sa famille, lumineuses et tristes à la fois.
« Debout sur la route, à côté de sa voiture dont le moteur tournait au ralenti, il contemplait la fenêtre de son enfance, son ouverture sur le monde. Elle n’avait plus de vitres.[…]. Qu’était-il arrivé à la joie, se demanda-t-il. S’évaporait-elle au soleil comme la pluie sur le bitume mouillé ? Était-ce autre chose qu’un moment passager qui n’existait que dans notre mémoire ? Ou un état d’esprit qui changeait comme le temps qu’il fait ? La joie qu’il avait connue dans cette maison s’était envolée depuis longtemps et il ne ressentait que de la tristesse à se tenir là, témoin de ce qui était perdu à jamais, comme les vies de ses parents et de toutes les générations qui les avait précédés. »
Après une expérience désagréable en lisant le mauvais « Scène de crime virtuelle », j’ai retrouvé ici le Peter May que j’aime, celui de la très belle Trilogie écossaise, dont le volume 2, « L’homme de Lewis » reste pour moi le meilleur de tous et le plus fort. Une lecture facile et agréable, où je n’ai pourtant pas retrouvé la puissance de la trilogie, je pense à cause du côté un peu trop romantique de l’histoire d’amour de l’ancêtre de Sime ( je suis peu sensible à ça, …). Mais ça reste un livre très agréable à lire, ma préférence allant vers la dégringolade mentale de Sime et la description des effets secondaires de l’insomnie. Le côté sombre.
Ici, une galerie de photos sur l’histoire de cette immigration écossaise vers le Canada.
ça devrait te plaire
http://www.saveellisisland.org/gallery/unframed-ellis-island-by-jr-photo-gallery/
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Oui ! je l’ai regardé il y a quelques jours parce que j’ai entendu parler du musée, et voilà ! J’irais bien y faire un tour, tiens…
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Je viens de terminer la Trilogie écossaise, sur tes conseils d’ailleurs, aussi je suis en phase avec ton post, j’y retrouve tout l’univers de Peter May, ses thèmes, ses descriptions de paysages tourmentés battus par un vent incessant et un océan furieux …L’histoire de l’immigration ( la déportation ?)des habitants de ces îles est d’ailleurs évoquée dans la Trilogie, et je pensais en le lisant que c’était là un beau thème de roman à lui seul.J’ai adoré les deux premiers volumes.Je vais peut être attendre de reprendre mon souffle après 1000 pages de tempête ébouriffante sur l’île Lewis mais j’y reviendrai avec grand plaisir, très vite ! Merci !!
Bises et re bises
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Tu as raison ! il faut parfois faire une pause pour mieux apprécier la suite. J’ai commencé un roman de J.C. Oates, « Mudwoman », le début est déjà impressionnant. Mais je lis peu et lentement en ce moment à cause de ces fichus vertiges, mais tant pis, dès que le calme sera un peu revenu, je vais me rattraper !Bises !
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Supères les photos !
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ça, c’est Béa, toujours au top ! 😉
http://www.saveellisisland.org/gallery/unframed-ellis-island-by-jr-photo-gallery/
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Je l’ai beaucoup aimé aussi, mais ça tu le sais! Il est pourtant rare que j’aime les histoires d’amour, mais Peter May mets tout le monde d’accord. Ceci dit je suis d’accord avec toi, rien ne vaut la trilogie écossaise !
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Oui ! Bien sûr ! C’est mon côté pessimiste qui me rend rétive au romantisme ! Mais c’est un bon livre, bien sûr, c’est bien écrit et dense et enrichissant sur l’histoire de ces déportations. Et comme toi, pour l’instant, rien de mieux que la trilogie…
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La trilogie de l’île de Lewis a été un vrai choc pour moi, surtout l’île des chasseurs d’oiseaux qui m’a bouleversée. Le mode de vie de ces îliens est si âpre que c’en est presque un documentaire sur ces îles dont j’ignorais tout.
J’avais lu des romans policiers Peter May qui n’avait pas cette puissance. Et je l’ai un peu retrouvée dans cette île du serment. J’ignorais (hé oui j’ignore beaucoup de choses…) totalement ces faits historiques et l’état d’esprit de révolte de ces jeunes gens obligés de s’exiler a fait passer en arrière plan la liaison un peu trop « banale », à l’aspect conte de fées, de ce jeune couple séparé par l’histoire.
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Eh bien nous voici d’accord sur beaucoup de sujets ! La trilogie est LA réussite de Peter May. Je n’ai pas aimé ses livres situés en Chine; ils n’ont pas la force de ces récits écossais, dans lesquels moi aussi j’ai appris plein de choses. Et L’île du serment, sauf au début et dans la description des décors, est moins puissant, mais bon néanmoins; pareil, l’histoire d’amour n’ajoute rien au roman, mais le « ramollit », c’est un peu dommage, mais on en apprend, oui, pas mal sur ces flux d’émigrés européens vers l’Amérique, et on en sort au moins moins ignorants ! 🙂
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