Une lecture éblouissante. Voici le recueil de douze nouvelles de Ron Rash, un condensé du grand talent de cet écrivain dont j’ai lu tous les romans.
Attaque en règle dès la première nouvelle, « Les temps difficiles », un récit qui vous saisit au creux de l’estomac comme un poing serré, et final tout aussi puissant avec « Lincolnites ». Ces histoires ont en commun des êtres dépossédés, que ce soit de terres, de personnes chères, de raison, de racines, d’amour et d’attention et pour certains : de tout.
La première et la dernière nouvelle ont des femmes pour héroïnes, des femmes confrontées à une menace, et qui vont faire face, chacune à sa façon.
Les époques varient, de la guerre de Sécession à nos jours, périodes de guerre, périodes de crise. Misère, drogue, chômage. Ici on croise une femme qui n’a plus pour se raccrocher à la vie qu’une curieuse histoire de jaguar, car tout le reste, tout ce qu’elle aimait lui a été enlevé, cette histoire de jaguar devient un ancrage au monde; étrange et triste nouvelle, dans laquelle on retrouve brièvement les nuées colorées de perruches de « Une terre d’ombre ». Plusieurs des nouvelles montrent des personnes en train de glisser vers la folie.
L’écriture est sobre, sombre, poétique. Il est assez difficile d’en sortir, je me suis sentie comme hypnotisée par ces tableaux pathétiques, où parfois affleure une tendresse pudique chez ces déshérités. Ron Rash décrit ainsi mieux que personne ce monde rural, oui, mais surtout et tout bonnement ce que sont des hommes et des femmes confrontés à la difficulté de vivre ou survivre (et parfois c’est la même chose). Chacun met au point ses combines, ses arrangements avec sa conscience, ses roues de secours, chacun bâtit ses refuges, édifie ses défenses. Et ça fonctionne, ou pas…Ici, ça ne marche pas très bien et Ron Rash nous confie là un recueil triste et désespéré que personnellement je trouve absolument magnifique. Un livre noir, c’est certain, servi par une écriture remarquable, qui confirme s’il est encore besoin le talent de Ron Rash.
Pour la noirceur, extrait de « Waiting for the end of the world » :
« […] ce soir alors que mon regard passe sur les épaves humaines peuplant La Dernière Chance. Un type a la tête posée sur une table, les yeux fermés, du vomi s’écoule de sa bouche. Un autre retire ses fausses dents et les referme sur l’oreille d’une nana assise à la table d’à côté. Une femme immense en survêtement violet pleure pendant qu’une autre l’engueule. Et ce que je pense, c’est qu’il est peut-être temps d’interrompre toute reproduction humaine. Que Dieu ou l’évolution ou ce qui a pu nous mettre sur terre reprenne tout de zéro, parce que là ça ne marche pas. »
Et la bande-son, par Elvis Costello
Ron Rash écrit de superbes livres. C est un de mes écrivains fetiches. J ai adoré la vie a l endroit. Beaucoup de humanité pour des êtres cabosses par la vie
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Oui, je les ai tous lus, mes préférés sont Séréna et Un pied au paradis, mais c’est toujours d’un niveau élevé côté écriture et fond. Ici, vraiment une grande réussite
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Je conclus de ton beau billet que je ne lis pas assez Ron Rash…
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Bah tu sais, nous avons tous, aussi, des goûts différents, et heureusement, mais en l’occurrence,je trouve que Ron Rash écrit vraiment vachement bien, qu’il a des trucs à dire que chacun peut comprendre, qu’il n’y a pas chez lui un poil de mièvrerie et – devine quoi ? – IL NE FAIT PAS TROP LONG ! Ah ah ah !
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Bon ok, moi qui n’ai pas aimé Séréna, je vais m’y remettre. Cet extrait est d’une superbe noirceur…
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C’est ce que je viens de répondre à Sandrine, nous ne sommes pas tous touchés par les mêmes choses. Mais ces nouvelles sont pour moi parfaites et oui, dans celle dont j’ai tiré l’extrait, une noirceur qui ne repose pas uniquement sur le côté déglingué des personnages, mais sur la vision globale de l’humanité
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Je me joins au club de fan. Un auteur puissant, une écriture qui fait mouche… On n’en sort pas toujours indemnes 🙂
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C’est vrai, Elisa, de la force sans excès de phrases, c’est du talent.
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Hah – quelle coïncidence – je suis en train de lire /finir « Une terre d’ombre » – en effet talentueux (et comme souvent un grand merci aux traducteurs !)
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ah ouiiii ! les traducteurs ! on leur doit beaucoup ! 🙂
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Quel billet inspirant, qui me replonge dans ma lecture.
C’est le seul ouvrage de Ron Rash que j’ai lu, mais ce ne sera pas le dernier. J’ai adoré plonger dans son univers et j’ai très hâte de récidiver…
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4 romans traduits. Et pour moi, jamais déçue, une fine et belle plume
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J’aime bien ton blog, tiens, plein de choses que j’aime et des références à noter..Allez ! dans mes liens ! Tu es canadienne ? Ou je n’ai rien compris ?
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