Vous savez déjà ( enfin celles et ceux qui me suivent depuis longtemps ) que les livres qui traitent de l’enfance me touchent souvent beaucoup. Ce fut le cas pour la plus grande partie de ce roman, dans lequel j’ai fait la rencontre de Chappie, adolescent de 14 ans qui deviendra Bone. Dans la petite ville de Plattsburgh, état de New York, ce gamin a déjà une rude expérience de ce que peut être la vie entre un père en allé, une mère qui boit et un beau-père pas mieux; la rue, les copains douteux et le cannabis sont ses seules « consolations » – si on peut appeler « consolations » ces piètres béquilles.
Forcément, je me suis très vite attachée à ce garçon, narrateur de sa propre histoire. Avec son mohawk, son nez percé d’anneaux et ses petits larcins pour acheter de l’herbe, il est encore un cœur tendre, et encore un esprit naïf, en mal d’amour et de tendresse; il ravale encore souvent ses larmes, s’acoquine avec de vilains bikers assez répugnants, dont un lui sauvera la vie…Mais il est malgré tout encore un enfant. Nous le suivons donc dans ses errances, ses rencontres plus ou moins positives, et je l’ai aimé, ce garçon. Dans l’arrière-cour cachée de la grande Amérique, ainsi vivent les paumés, délaissés, marginaux volontaires ou non, de pis-aller, de grandes peurs et de petites joies…
Au cours de ses déplacements, fuites, échappées, comme on veut, Chappie devient Bone le jour où il orne son bras d’un tatouage: deux tibias croisés, ceux du drapeau des pirates. Ainsi, il changera d’aspect peu à peu, comme le jour où :
« J’ai ôté l’anneau de mon nez – la première fois depuis un an – ainsi que ceux de mes oreilles et je les ai posés sur l’étagère. Pendant une seconde j’ai eu une sensation bizarre comme si j’allais éternuer, puis je me suis senti encore plus normal que d’habitude. Il y avait aussi les cheveux. J’ai déniché une paire de ciseaux dans l’armoire à pharmacie et j’ai coupé mon mohawk. A la fin, j’avais partout des cheveux courts comme un mec qu’on vient de laisser sortir de prison. Il y avait quelque chose d’étrange à me trouver là devant cette glace et à me voir comme si j’étais mon ami le plus proche, un garçon avec qui je voudrais traîner toute la vie. »
Il essaye bien de jouer les durs, mais devra renoncer. Il prend sous son aile la petite et silencieuse Rose – Froggy – et tous deux vont trouver refuge dans un vieux bus scolaire – celui-là même qu’il a connu sous l’empire des affreux frères Lapipe qui pratiquaient le trafic de crack et autres substances toxiques. Rencontre dans cette zone devenue jungle de I-Man, rasta jamaïcain installé là tranquille, parmi les pieds de marijuana et les légumes pour son régime végétarien !
Après une période heureuse, nouveau départ vers la Jamaïque. C’est ici que j’ai trouvé que le livre faiblissait, s’étirant un peu trop en longueur. La fin est assez inégale, et m’a moins attachée. Une des critiques faites le plus souvent à ce roman est la traduction de Pierre Furlan, en particulier sur tout ce qui a trait à la culture rastafari et son vocabulaire. Pour moi, je ne suis pas sûre qu’il soit responsable de ces faiblesses, mais c’est peut-être l’écriture de Russell Banks qui utilise ici plusieurs niveaux de langue pour le même personnage, dialogues et narration mêlés, qui peut gêner certains lecteurs…Ni ce procédé, ni la traduction ne m’ont dérangée, c’est plus le contenu que j’ai trouvé un peu artificiel, moins crédible que toute la première partie, que vraiment j’ai beaucoup aimée. Comme le dit Pierre Furlan dans cette interview : « ... il faut bien voir que ce roman ne vise pas en priorité un public intellectuel : il ne veut pas être étudié mais avalé. » Effectivement, ça se lit vite, ça s’avale, mais on est un peu rassasié vers la fin, néanmoins sans indigestion !
Bon, ce n’est pas très grave, ça reste un livre agréable, avec des moments très forts, d’autres drôles – ce qui préserve le ton encore enfantin parfois de Bone – et j’ai bien aimé accompagner ce gosse sur sa route et qui de ses trois amis a fait des étoiles dans sa nuit.
« Adirondack Iron a été la première à passer dans le noir, puis sœur Rose et enfin Lion-Je. Elles étaient parties et elles me manquaient, mais même comme ça j’étais très heureux. Pour le restant de ma vie, quel que soit l’endroit de la planète Terre où j’irais et quel que soit le degré de confusion ou de peur, je pourrais attendre qu’il fasse noir pour regarder dans le ciel et voir mes trois amis. Mon cœur s’emplirait alors de mon amour pour eux et me rendrait fort et lucide. Et si je ne savais plus que faire je demanderais à I-Man de me donner des directives. A travers l’immense et froid silence de l’univers, je l’entendrais dire, A toi de décider, Bone, et ça me suffirait. »
Et je ne résiste pas, j’aime cette chanson, dans une version rare enregistrée à Montego Bay ( Monbay ) , où se déroule la fin du roman :
C’est le premier roman de Banks que j’ai lu, il y a déjà pas mal de temps. Depuis, j’en lis un de temps en temps. C’est un auteur que j’apprécie.
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Mon premier fut « American darling », un grand coup de poing…Puis très déçue par « La réserve »; là, c’était bien, parce que j’aime les histoire de mômes; me reste « Lointain souvenir de la peau » que je laisse un peu en attente, il parait qu’il est très dur, alors j’attends d’avoir un peu de soleil dans la tête et moins de vertiges !
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Mon premier Banks! Je les ai tous! Un de mes auteurs favoris, merci pour lui!
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C’est marrant, mais ça ne m’étonne pas…:D
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De beaux lendemains et Affliction sont absolument bouleversants. Mes deux préférés.
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Ils sont déjà notés, mais ils attendront un peu, je n’arrive pas à faire baisser la pile !
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