« C’était un petit chef d’œuvre de littérature. Sur l’étagère, malgré son peu de volume, il n’hésitait pas à tutoyer Proust.
-Comment vas-tu?
-Non mais, dites donc, le rembarrait Proust, qui était un peu à cheval sur les bonnes manières.
Il plaisait beaucoup aux filles. Sur l’étagère, il était très entouré. Eugénie Grandet, La Dame aux Camélias, Madame Bovary et La Comtesse aux pieds nus.
Elle était un peu susceptible.
Mais globalement, ça se passait bien. »
Un petit livre friandise, à déguster comme un chocolat- c’est de saison – , tout enrobé de cacao amer, fondant, croquant, mi-figue, mi-raisin…Bref : un joli moment de lecture, extrêmement drôle, à savourer sans modération.
« Ce n’était pas un de ces petits livres faciles, qui parlent d’amour, comme les magazines, les horoscopes ou les livres faciles.
Il disait, par exemple, que l’amour était sans importance. Quelque chose qui ne valait pas la peine qu’on en parle.
Évidemment ce fut rapporté en haut lieu. Il y eut un certain agacement. L’amour faisait bien marcher le commerce. »
Chocolat, friandise…Pour autant pas trop de sucre dans ce petit objet de très belle forme pour parler du livre, de sa vie à notre époque. Ceci est l’histoire d’un petit bouquin promis à un grand destin, et il faut le lire pour savoir ce qu’il en advient. Inutile de dire plus sur un texte très court ( 136 courtes pages très aérées ), je vous propose juste quelques extraits. Je ne peux manquer ce chapitre où un blogger se prend une bonne baffe dans sa gueule:
« Après tout, s’il n’aimait pas le monde de l’édition il n’avait qu’à rester dans sa province. Il y eut même un blogger influent pour l’assassiner: c’est très male écrit, notait-il sur son blog. Ce n’est m’aime pas originale. »
Et l’entrée au Super U:
« Le test définitif, c’était le test du Super U. Ils étaient très peu à passer le test du Super U avec succès.La plupart n’essayaient même pas. Ce mois-ci on y trouvait Calendar Girl, comme tous les mois. Et Marc Lévy, Musso, Pancol et Gavalda.
Kawabata s’était fait refouler à l’entrée, naturellement.
-Un problème? interrogea le directeur.
Le vigile haussa les épaules.
-Un niakoué qui faisait des histoires. Je pense qu’il a compris maintenant.
Schopenhauer non plus n’avait pas pu rentrer,mais il prenait ça avec philosophie. »
Sous l’aspect de la farce, de belles références littéraires, une intéressante réflexion sur notre rapport au livre et sur le commerce qui en est fait, le tout avec un grand talent dans la concision; pour moi, une belle rencontre avec cet auteur que je découvre, et je le remercie de ce moment de rire intelligent. Je revois plusieurs fois pour vérifier mon orthographe, et je finis avec Rosebud, entendu en lisant.