« Un matin de 1917, juste avant l’aube, le long de la frontière entre la Géorgie et l’Alabama, alors qu’un autre mois d’août torride touchait à sa fin, Pearl Jewett réveilla ses fils d’un aboiement guttural, plus animal qu’humain. »
Une lecture qui en vaut la peine ! Je n’ai pas lu le précédent roman de cet écrivain ( « Le diable, tout le temps » qui reçut de nombreux prix ), et voici la découverte d’une plume digne de grands noms, mais rien ne sert de comparer. Ce talent se suffit à lui-même et révèle une forte personnalité, un tempérament tourné vers l’irrévérence, vers la colère, une nature aux yeux ouverts sur les vicissitudes de la vie des hommes, un regard tour à tour impitoyable, ironique, attendri, carrément fou parfois. Je ne le fais que très rarement, mais pour une fois je vous livre un extrait de la 4ème de couverture pour présenter le point de départ de cette histoire:
« 1917. Quelque part entre la Géorgie et l’Alabama. Le vieux Jewett, veuf et récemment exproprié de sa ferme, mène une existence de misère avec ses fils Cane, Cob et Chimney, à qui il promet le paradis en échange de leur labeur. À sa mort, inspirés par le héros d’un roman à quatre sous, les trois frères enfourchent leurs chevaux, décidés à troquer leur condition d’ouvriers agricoles contre celle de braqueurs de banque. Mais rien ne se passe comme prévu et ils se retrouvent avec toute la région lancée à leurs trousses. Et si la belle vie à laquelle ils aspiraient tant se révélait pire que l’enfer auquel ils viennent d’échapper ? »
Alors donc, je reviens d’un road trip très violent et même souvent « trash », saupoudré d’un humour glauque qui nous fait sentir un peu honteux de nos sourires ( en fait, pas tant que ça, j’ai parfois franchement ri et sans complexe ), mais néanmoins une histoire profondément humaine . Nous allons accompagner les frères Jewett dans leur fuite qui commence par un meurtre et se poursuit en braquages plus ou moins rentables.
Ce diable de Pollock a un vrai talent de portraitiste. Il nous fait rencontrer de nombreux individus pittoresques, effrayants, dégoûtants, infâmes, idiots ou pitoyables en quelques lignes seulement, mais avec juste ce qu’il faut pour qu’on cerne le personnage.
« Il avait lu des articles sur les recherches menées dans certaines régions du monde afin de découvrir un hypothétique chaînon manquant ; mais putain, m’sieurs dames, il était là et il tenait un bar à Meade, dans l’Ohio ! »
En quelques mots on regarde Sugar en loques, sale et le ventre creux, avec son étonnant chapeau melon, les Jewett à cheval armés jusqu’aux dents, un vieux sale et édenté sous une tente avec la grosse Esther ou au camp militaire le gradé tenaillé par ses désirs ou encore Cob qui s’empiffre de beignets bien gras assis sur un banc, béat de satisfaction. Je pourrais dire que le livre est écrit de manière impressionniste, par touches (chapitres plutôt courts alternant les plans d’un personnage à l’autre ), mais évidemment il faut s’ôter de l’esprit la lumière et la beauté. Bien peu de belles choses dans le décor forcément : c’est la misère, la crasse, la faim, les vices et la violence qui dominent, la nature est soit aride, soit on y patauge dans la boue et l’injustice sociale génératrice de toutes les formes possibles de délinquance.
« De plus, nombre de ces mêmes contribuables se nourrissaient six jours par semaine de chou frisé et de pain de maïs, de sorte qu’un pourcentage important d’entre eux considérait le braquage d’une banque comme une juste riposte au système qui contribuait à les maintenir dans la misère. »
« Une heure plus tôt il lui avait arraché le nez à l’aide d’un décapsuleur, et il s’assit à présent sur la couche pour lui annoncer que ce ne serait plus très long, qu’il l’achèverait cette nuit à la hache. Il continua de parler, même s’il n’était pas sûr que sa victime soit encore capable de l’écouter.
« Tu es le numéro sept […], pour beaucoup de gens, c’est un chiffre porte-bonheur, mais je parie qu’ils changeraient d’avis s’ils te voyaient en ce moment, tu crois pas ? »
« Selon Charles Foster Winthrop III, le monde était un endroit injuste, détestable, dominé par un club fermé de riches impitoyables et la seule façon pour un homme pauvre de s’élever au-dessus de sa condition était de mépriser les lois que cette même élite appliquait à tout le monde sauf à elle-même. Et d’après ce que Cane avait vu au cours de ses vingt-trois années d’existence ou, plutôt, de survie, comment ne pas être du même avis ? »
Belle chronique Simone,on sent le coup de cœur.
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Merci ! Ce n’était pas facile, après tout ce qui a été écrit sur ce super bouquin. J’ai dit les choses comme elles me sont venues, comme toujours !
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C’est vrai que l’une des forces de Pollock est de croquer ses personnages en quelques mots qui suffisent à les rendre mémorables (j’ai adoré celui du « contrôleur de sanitaires »….).
Pour avoir lu ses précédents titres (Le diable, tout le temps, et Knockemstiff) j’ai trouvé celui-là un peu moins sombre, et du coup moins prégnant, mais j’ai tout de même passé u excellent moment.
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Oui ! Jasper, nom d’un chien, avec son pénis surdimensionné ! Le pauvre ! Comme c’était mon premier livre de Pollock, je ne peux pas dire, mais un de ces jours je lirai les autres, j’ai vraiment aimé tous ces gens bien moches ! ;)…
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C’est « Affreux sales et méchants » puissance 10 ce livre ! On ne sait pas s’il faut rire ou vomir devant certaines scènes. Mais tu as raison que ce sont finalement les trois frères hors la loi qui sont les plus tendres et pour qui je voudrais que ça finisse bien ! (Je ne l’ai pas encore terminé). Un grand merci Simone pour cette lecture finalement assez jubilatoire malgré (ou grâce à) ces histoires sordides.
Biz
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Ah oui ! J’adore ça, ça défoule et puis quand même on rit, moi j’ai beaucoup ri! Mauvais esprit peut-être ?…:)
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