« Ceux qui n’en mènent pas large » – éditions Le Dilettante et « La grande vie » – éditions l’Arbre Vengeur, de Jean- Pierre Martinet

la grande vieCadeau de Noël d’un neveu que j’aime beaucoup et qui a le goût du noir. Pas véritablement approprié pour entamer 2016 dans la joie et la bonne humeur, peut-être…Mais c’est ce que j’ai lu, et c’est donc ce dont je parle.

Ainsi je découvre Jean-Pierre Martinet ( ici un aperçu du personnage et de son oeuvre, chez un autre éditeur ) et deux courts textes qui viennent bousculer- fracasser – l’ambiance qui se veut festive de la fin d’année. Il n’est ici pas question de parler de plaisir, ces lectures sont des plongées en apnée dans le sordide quotidien des invisibles, les « cloportes » – comme Martinet les nomme – ombres des rues sombres et moisies, les misérables des coins de rues crasseuses

« Dans cette rue, on avait toujours la sensation d’un froid glacial, même au mois d’août. Les passants avaient des allures de chrysanthèmes tardifs, et novembre s’éternisait. »

ceux quiDans « Ceux qui n’en mènent pas large », on découvre Maman, Georges Maman, comédien tombé aux oubliettes, qui se nourrit de boîtes pour chats et chiens, et ses retrouvailles avec Dagonard, pompeux et bavard personnage vite démasqué par la beuverie qui va l’occuper une soirée en compagnie de Maman.

Dans « La grande vie » ( 57 pages), Adolphe Marlaud, le cloporte, amant d’une géante concierge aux appétits sexuels effrayants s’exerce à 

« vivre le moins possible pour souffrir le moins possible »

Tout ça est très très noir, cynique, poisseux, malodorant à souhait, et pourtant poétique, désespérément humain et sensible. Pas explicable, ni descriptible, juste à lire . 

Ici, deux critiques extraites l’une de la revue « Le matricule des anges »  et l’autre du « Nouvel Observateur », choisies parce qu’elles correspondent bien à ce que j’ai trouvé dans ces textes:

« C’est ça le monde de Martinet, un univers d’êtres plus ou moins déjetés, aux existences ravagées, dérisoirement inabouties, s’aimantant entre elles comme celle de Georges Maman, un raté de l’écran et celle de Dagonard, un « vieux rat cinéphile ».
Richard Blin, Le Matricule des anges, novembre/décembre 2008

 

« Du pur jus de bile, interdit aux âmes sensibles mais servi par une langue poignante, non dénuée d’humour. Très noir, quand même, l’humour. »

Arnaud Gonzague, Le Nouvel Observateur Paris île de France.

14 réflexions au sujet de « « Ceux qui n’en mènent pas large » – éditions Le Dilettante et « La grande vie » – éditions l’Arbre Vengeur, de Jean- Pierre Martinet »

  1. A moi on n’offre pas de livres 😦 Alors je me suis offert récemment « Jérôme », du même auteur : une grosse brique par contre, qui laisse présager une ambiance bien poissarde…

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    • Je ne sais pas si je me lancerai dans un long texte de Martinet. C’est…comment dire ? éprouvant .
      Comment ça se fait qu’on ne t’offre pas de livres ??? Parce que tu en as déjà plein et les gens doivent se dire – ah trop dur de choisir, si ça se trouve elle l’a déjà, ou bien, elle en a plein en retard ( non, pas toi, mais moi, oui !!! )
      J’en profite pour te souhaiter de démarrer cette année avec de beaux et bons livres et de la poursuivre tout pareil ! Bises !

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  2. Ah, qu’il est doux ce premier jour de 2016 : les articles sur Martinet sont si rares !! Je n’ai pas lu ces titres, mais Jérôme, justement et L’ombre des forêts. C’est vrai que ce ne sont pas des lectures faciles, car elles nous engluent littéralement dans quelque chose de profondément glauque et désespéré mais quelle écriture, quelle force ! J’ai d’ailleurs placé Jérôme dans le TOP 10 de mes lectures et j’ai dans ma PAL La somnolence, un pavé aussi, que je me réserve pour une période ou je me sentirais assez d’endurance pour le lire !!

    J’aime beaucoup l’expression « pur jus de bile », que je trouve très juste…

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    • oui, l’expression  » pur jus de bile » est d’une grande justesse. Je ne suis pas arrivée à dire plus de ces livres; il faut « digérer  » je pense. J’ai du mal avec l’alcoolisme – au degré décrit par Martinet – , ça me perturbe énormément, et je trouve que si être bousculé est parfois salutaire, dans ce cas, en l’occurrence, ça ne l’est pas pour moi. Mais oui, une grande force dans l’écriture. Pour toi, extrait tiré de somnolence, publié par mon neveu ce matin:
      « Les martinets frôlent ma fenêtre. Peut-être vont-ils la fracasser et me transpercer de part en part. Leurs becs d’acier, leurs ailes d’acier. Plus terrifiants encore, les martinets, que les hommes au regard sournois. Autrefois, quand j’étais petite fille, un oiseau, c’était une minuscule boule de plumes, chaude et palpitante, pas une machine de mort, pas une lame de rasoir volante. (…) Les martinets vont me trancher la gorge d’un coup d’aile. Cela vous fait rire ? Je vais agoniser sur le plancher, à quelques mètres du fauteuil. Triste spectacle, sans grandeur, presque obscène. La mort est tout aussi obscène que l’amour, les mêmes convulsions ridicules, les mêmes soupirs. À vomir, tout cela. Le sang coule lentement, suivant les rainures du parquet. La poussière, accumulée depuis des mois, fait de loin en loin un minuscule barrage, vite pulvérisé. Ce qui me dégoûte le plus, c’est ma main droite : elle se ratatine, elle se crispe désespérément, elle n’a déjà plus aucun rapport avec moi, elle n’est plus qu’une bête étrangère inquiétante, animée de soubresauts grotesques. » Belle année de lecture pour toi en 2016 !

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  3. Je viens aussi de lire, dans ton commentaire, l’extrait sur les martinets … Quelle écriture !
    Après, oui … il faut en effet être en grand forme pour s’y plonger, surtout pour les lecteurs apnéistes dont je suis !!
    @ Sandrine : c’est aussi une chance de ne pas trouver de livres au pied du sapin (ou à côté du gâteau d’anniversaire) – dit celle qui en reçoit toujours des paquets … ! Au moins, vous pouvez les choisir !!!!!!

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  4. Merci pour cet extrait qui laisse imaginer une lecture intense…Quand tu dis que ton neveu « publie », c’est sur un blog ? Parce que je serais intéressée par le lien qui y mène …

    Et bonne année à toi aussi!

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  5. Je n’avais jamais entendu parler de cet auteur… ça me semble difficile pour moi en ce moment d’envisager cette lecture, mais je note dans ma liste quand même… avec un gros point d’interrogation !

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    • Ah, ça m’a été difficile à lire, mais pour des raisons personnelles. Difficile parce que ce n’est pas « confortable », parce que ça secoue, ça « brasse » ( thème, ambiance ) mais un grand talent, « les passants avec des airs de chrysanthèmes tardifs », c’est magnifique, cette image ! Je ne sais pas si j’en lirai d’autres, peut-être quand même, mais il faut se sentir bien, je crois…

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