« Dehors, les oiseaux pépiaient sans discontinuer. Le soleil projetait les ombres allongées des volets sur la moquette de la chambre. La nuit se dissolvait dans les premières lueurs du jour. À l’orée du sommeil, Boyer hésitait à le quitter quand, provenant de l’entrée, il entendit un violent craquement de bois arraché. Des bruits de pas suivirent. »
Boyer vient à peine de sortir de prison qu’un meurtre odieux commis sur une jeune étudiante en droit, Marianne, va l’y renvoyer. Pourquoi lui ? Parce qu’il a purgé une longue peine, à la suite de plusieurs viols et meurtres avec actes de torture – et en particulier des morsures. La scène de crime ressemble comme deux gouttes d’eau à celles qu’il laissait quand il sévissait et qu’à nouveau libre, tout le pointe comme l’auteur de ce meurtre et comme cible pour la police. Sauf que…
Le jeune capitaine Germain, tout neuf dans l’équipe du SRPJ de Reims – et confronté à des collègues musclés et peu regardants sur les méthodes – remarque bien vite que dans le cas de Marianne, point de morsure. Boyer mis en garde à vue s’auto – mutile pour éviter la cellule de l’enfer ( vous verrez, c’est réellement l’enfer ) , optant pour l’hôpital qui lui laisse le temps de faire intervenir son avocate. Parce que Boyer n’a pas commis ce crime, en tous cas, c’est ce qu’il clame : « Je suis innocent ! ».
« L’impression d’avoir commis la plus terrible des erreurs submergea Germain. Il se cramponna à son bureau pour ne pas se lever et partir tout de suite à la recherche de Jean Boyer. C’est inutile! Pour l’instant tout ça n’empêche pas qu’il ait pu être piégé pour le meurtre de Marianne ! se répétait-il pour essayer de se calmer.
Il avait choisi d’enquêter, il devait assumer. »
Ainsi commence ce roman policier, un vrai roman policier avec une enquête, des flics, des juges, des pervers et des menteurs. Et quelques braves gens mais finalement bien peu – enfin tels que je les conçois. Sauf peut-être Laglue le stagiaire, en admiration devant son patron Germain. Mais bon, comme tous ses collègues, sur une pente savonneuse – . De l’humanité, quoi, telle qu’elle est en réalité, pas très nette, pas très fiable, intranquille, capable du pire et du meilleur, bref, un roman crédible parce que les personnages sont crédibles, tout en nuances du très noir au blanc vaguement gris. Point de blanc pur ici tout bêtement parce que ça n’existe pas, n’est-ce pas ?
Vais-je vous raconter l’intrigue ? Vous connaissez ma réponse…Elle se complexifie au fil des pages, les pistes se brouillent et Germain rame, il en bave le jeune capitaine, il découvre des choses pas terribles, et il n’est pas beaucoup aidé par ses collègues qui se moquent plutôt de sa droiture. Et il a ses obsessions lui aussi.
Tableau ironique de police et justice. Pour ce qui est de la police et de ses agents, on comprend fort bien ici que respecter les règles ce n’est pas simple, que la confrontation constante avec de la violence odieuse, avec la perversion vous oblige à vous blinder, et certains dépassent parfois les limites. Quant à la justice, elle écope du plus vilain tableau, si ce n’est la juge Motte qui semble si rigide mais qui peut-être tient cette posture pour ne pas céder aux corruptions ambiantes. Peut-être.
« L’odeur de la merde s’ajouta aux autres. Il ne voulait pas vraiment tuer le vieux. Tout cela, c’était à cause de la frustration que lui avaient causés les mensonges de Valérie. Maintenant, face à ces yeux injectés de sang à l’autre bout de son bras, il éprouvait une certaine commisération pour sa victime, celle que partagent les gens qui sont toujours au mauvais endroit au mauvais moment. »
(ça, c’est l’excuse du début à la fin de Boyer : sa mauvaise étoile…)
Alors Jean Boyer…Comment dire ce que j’en pense ? Cet homme clame son innocence et Germain contre tous ( en particulier justice et médias ) croit à cette innocence à cause de l’absence de morsures sur le cadavre de Marianne…Il va batailler pour comprendre, suivre de fausses pistes, errer, mais il va trouver. Mais Boyer, pardon, mais ce type « innocent », ah non, moi je ne trouve pas…c’est un monstre; suivez-le dans son retour dans le monde, entrez dans sa tête de tordu, ah non, il n’est pas innocent. Il peut ne pas être coupable de tout, mais innocent sûrement pas, et personnellement je n’ai ressenti aucune empathie ou sympathie, au contraire, il m’a fait horreur. Certes, que des actes qu’il n’a pas commis ne lui soient pas imputés c’est justice – et là, c’est Germain le flic et non la justice qui fait le boulot – , mais il est bel et bien au cœur de la mort de Marianne, à mon avis. De l’importance du vocabulaire !
Je verrais très très bien ce bon petit polar sur un écran. Il y a des scènes de violences plutôt sévères, mais ça ne m’a jamais gênée dans mes lectures, d’autant qu’on n’a pas affaire ici à un polar psychologique, mais on est bien sur le terrain et en fait ça contribue à muer les réflexions en sensations, qui aident à mieux comprendre les bourreaux et les victimes.
Je remercie Thomas Fecchio de m’avoir proposé la lecture de son premier roman. Un bon moment, je ne dirais pas « distrayant »…mais finalement si.
« Il y avait les scènes de crime et les scènes de chagrin. Chacune projetait dans l’atmosphère une matière particulière qui vous retombait dessus en une fine pellicule vous collant à la peau jusque dans votre intimité la plus profonde. La difficulté était de l’enlever autant que vous le pouviez pour ne pas la laisser pénétrer. Souvent, elle nourrissait une colère impuissante qui incitait les policiers à franchir toutes les limites. Lorsque la colère faisait partie de vous, tous les moyens étaient bons pour rendre la justice face à des crimes où la cruauté stupide le disputait à la plus sombre bêtise. »
Voilà un deuxième avis que je lis sur ce premier roman !
Intriguée je suis là !
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le « e » à la fin de « intriguée » indique donc une femme ! – ouais, je suis détective… -Bonjour ! Je suis certaine que ça fait une différence quant au point de vue sur le personnage de ce livre, Boyer…être une femme ou pas. Si nous avons lu le même second point de vue, je veux dire.
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Les deux avis et donc les deux lectures ont été faites par deux blogueuses ! Aussi je suis de plus en plus intriguée car en plus j’e suis passée à coté de ce premier roman et c’est pourtant ma spécialité ! LOL
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Ah alors je n’ai pas lu cet article, mais un autre, par un homme !
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Ben pas vu ! 😉
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Le garçon s’est fait remonter les bretelles, m’a-t-on dit !
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Ah bon, par qui ? il n’avait pas aimé ?
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Bison d’or, chez Nyctalopes. Il a dit roman GENIAL – euh…faut se mesurer un peu, mais bon, il a le droit de trouver ça génial, moi je dis « bien » mais pas génial quand même ! – et carrément empathie pour Boyer, et du coup, je vois qu’il n’est pas le seul…Moi, ça me perturbe un peu, cette empathie pour Boyer. Mais le Boss, l’a recadré, je crois…
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Ben parfois certain personnage résonnent plus que d’autres en nous ! 😉
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mouais, c’est évident, ben là, c’est plutôt inquiétant, mais ce n’est que mon point de vue bien sûr
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😉
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Ah ! mimi Pinson ? Je viens de lire…Pas vraiment d’accord sur le fait que Boyer ne dérape pas. Si tu lis, il me semble qu’il y a même un bon gros dérapage…Enfin, bon, les avis sont divers, c’est l’intérêt de la chose ! En fait il y a eu plein d’articles ! je ne regarde jamais avant d’écrire mes articles. ceci explique cela
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C’est possible, je suis passée vraiment à coté !
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Bonjour, j’interviens un peu tard dans la discussion mais qui est the boss ? Le livre a eu des bonnes critiques, des moyennes critiques et des mauvaises critiques. Selon moi, c’est la vie d’un roman. Heureusement pour mon ego, il y a plus de critiques positives. Cependant deux choses : je n’écris pas pour plaire à tout le monde et je relis souvent les critiques constructives, même mitigée comme celle de ce blog, parce que cela m’aide à interroger mon travail dans le processus d’écriture. @Collectif Polar, n’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez découvrir le livre. Sinon, vous le trouverez sur Bibliosurf et Babelio où figure les critiques les plus négatives. Amitiés. Thomas.
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Bonjour Thomas, et merci de ce retour, même tardif. Et un éclaircissement. Je ne dit nulle part que je n’ai pas aimé votre roman; si c’eut été le cas, d’un, je ne l’aurais pas terminé et de deux, je n’aurais rien écrit. Je suis suffisamment lectrice admirative des gens qui osent écrire et qui bossent dur pour ça pour jouer à un jeu de massacre ( à quel titre aurais-je le droit de faire ça, hein ?), et quand je n’aime pas, quand le livre n’a présenté aucun intérêt pour moi je me tais. J’ai lu votre livre en entier et sans m’ennuyer. Ce que je dis, c’est que je n’ai pas aimé Boyer. Et que tout innocent qu’il soit de ce dont on l’accuse, pour autant il a une tournure d’esprit un peu tordue, non ? Et puis aussi que mon point de vue féminin, peut-être, fait envisager cet homme autrement; ça peut être intéressant pour vous, non, cet autre angle d’approche ? Il commet tout de même un meurtre ou bien c’est une vue de mon esprit tordu lui aussi ? En tous cas, je vous souhaite un bon chemin avec ce livre et d’autres ! Bien amicalement!
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Bonsoir, j’ai ressenti la critique comme « mitigée » mais peut-être n’était ce pas le bon mot. Dans tous les cas, même si je ne mets pas toujours un commentaire, je lis et me sers des retours des bloggers. Là, j’ai simplement remarqué qu’il y avait plusieurs commentaires sur la publication et la lecture de l’échange m’a intrigué. Amitiés. Thomas
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Oui, je comprends,et j’aime quand ça circule comme ça, ce n’est pas toujours le cas. C’est bien, un livre qui soulève des commentaires! Bon dimanche !
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