Quelques questions à Éric Forbes, à propos de « Amqui », premier roman

Cher Éric, bonjour et merci. Merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions et merci pour la lecture savoureuse que vous m’avez offerte.

J’ai pu lire que vous êtes libraire et collectionneur de polars. Vous avez donc de beaux atouts pour à votre tour vous lancer dans l’écriture.

1-Est-ce qu’il a fallu beaucoup de temps pour oser vous lancer, l’envie était-elle là depuis longtemps ou bien ce fut un besoin pressant, un sujet qui survient, une stimulation particulière ? Dites-moi quelle a été la machine qui s’est mise en route pour débuter ce roman.

  – Depuis à peu près l’âge de 12 ans, soit depuis que je m’intéresse au polar, l’idée d’écrire un roman m’a toujours trotté dans la tête.  Sauf que, pendant longtemps, je ne croyais pas avoir ce qu’il faut pour en écrire un.  À force de fréquenter les plus grands auteurs, j’avais développé, je crois, une espèce de complexe d’infériorité. Et, honnêtement, même après l’écriture d’Amqui, et son succès inespéré,  ce complexe me hante toujours. Comme si j’étais un imposteur sur le point d’être démasqué !  Ce qui m’a décidé à envoyer le manuscrit d’Amqui (qui dormait dans un tiroir, et sur lequel je travaillais par intermittence depuis une douzaine d’années), le véritable élément déclencheur, est un sentiment d’urgence qui m’a saisi après un incident cardiaque où j’ai failli laisser ma peau ( le même genre d’incident qui tue le fils de Leblanc dans mon livre). Quand on réalise que, dans la vie, tout peut basculer en un claquement de doigt, on fait fi de ses scrupules et on fonce en se disant qu’on a rien à perdre, sauf, peut-être, un peu d’amour propre.

2-Les deux personnages principaux, Chénier et Leblanc, ont la même ténacité dans leurs actes. Leblanc est intéressant, par sa fragilité et son addiction. Et Chénier, lui pour sa froideur quand il exécute son plan de vengeance. Comment naissent de telles figures ? 

   – Pour le personnage de Leblanc, qui est un peu cliché, j’en suis conscient (et c’était voulu), je me suis appuyé sur un des poncifs du polar: enquêteur alcoolique, dépressif, cynique … etc.  Pour ce qui est de Chénier, c’est un peu mon double maléfique !  Dans un cours de création littéraire, à l’université, un prof nous avait dit d’écrire sur ce que l’on connaissait.  C’est donc ce que j’ai fait !  Et j’avoue qu’il y avait un petit côté jouissif à lui faire exécuter plein d’actes transgressifs !

3-Cette question un peu banale cependant votre réponse m’intéresse ; quels sont vos auteurs inspirants, ceux qui ont stimulé votre envie d’écrire et du polar tout particulièrement ?

    – Les premiers livres se rapprochant du polar que j’ai lus sont des Bob Morane.  Moi-même de lointaine origine écossaise, j’étais un fan fini de Bill Ballantine !  Rocambole, Rouletabille, Arsène Lupin, entre autres, ont nourri ma jeunesse, jusqu’à ce que je mette la main, par hasard, sur mon premier polar pour adulte à l’âge de 12 ans: Nécropolis, de Herbert Lieberman.  Ce fut un choc, et un immense coup de foudre.  S’enchainèrent ensuite les classiques de la Série Noire: Hammett, Chandler, Thompson, Williams et plein d’autres.  Ainsi que beaucoup de contemporains : Westlake, Block, McBain, Sjowall et Wahloo, Leonard, Benacquista, Manchette, Izzo, Rankin, Nesbo, Barcelo, Grafton, Rendell … etc.  Et plein d’autres.  J’étais, et suis toujours, un lecteur de polars boulimique!

4-Avez-vous choisi Montréal dans un automne pluvieux et Amqui dont vous êtes originaire juste parce qu’on ne parle bien que de ce qu’on connait ? Ou bien des comptes à régler ?

   -Comme je l’ai mentionné plus haut, on écrit effectivement sur ce qu’on connaît.  Je vis à Montréal depuis plus de trente ans et j’ai vécu à Amqui pendant une période charnière, soit de l’âge de 9 ans jusqu’au Cégep.  De plus, il était clair dans ma tête que si l’action du livre devait se déplacer dans une autre ville que Montréal, ce serait Amqui. Une forme d’hommage, de reconnaissance, même, peut-être.  D’ailleurs, j’ai insisté auprès de mon éditeur pour que le nom Amqui apparaisse dans le titre.  Pour ce qui est de la grisaille, ce n’est qu’un autre cliché du polar totalement assumé!

4-Enfin, il me semble que Amqui est le début d’une série, en tous cas je l’espère ! Est-ce le cas ou bien la fin donne une impression trompeuse ?

    -Il devrait y avoir une suite, effectivement. J’y travaille (lentement). Sauf que, ce qui est compliqué, c’est que je n’avais pas imaginé de suite lorsque j’écrivais Amqui, puisque je ne croyais pas vraiment qu’ Amqui allait être publié !  La fin ouverte du livre s’explique par le fait, tout simple, que j’aime les fins ouvertes dans les polars ! Beaucoup d’auteurs, lorsqu’ils se lancent dans un projet d’écriture, ont déjà un plan préétabli de ce qu’ils vont faire avec leurs personnages sur plusieurs livres.  Pas moi. Il faut donc que je bâtisse une histoire crédible, sans être redondant, tout en respectant certaines règles du polar auxquelles je tiens.  Et puis, disons qu’en période de Covid l’ambiance morose n’est guère propice à la création. Pour moi, à tout le moins,

En tous cas, votre livre m’a fait du bien, Chénier a servi de défouloir psychologique, une lecture jubilatoire, intelligente et drôle.

Je vous remercie d’avoir accepté mon invitation sur ces quelques questions.

  – Merci pour l’invitation!

4 réflexions au sujet de « Quelques questions à Éric Forbes, à propos de « Amqui », premier roman »

  1. J’adore quand tu fais des interviews ! J’aime mesurer que les auteurs sont des hommes ordinaires qui font quelque chose extraordinaire,: des livres et que ces livres sont toujours un chemin qui vient de quelque part, jamais hors sol ! Comme je suis un poil nombriliste, je note : »disons qu’en période de Covid l’ambiance morose n’est guère propice à la création. » Et je plussoie ! Et puis, je rajouterai, comme une cri de guerre ! Vive les livres, que vivent les livres et ceux qui leur permettent d’exister ! Dont toi ! Bises ma copine !

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    • ça me fait plaisir de te lire ici, mon amie. Vraiment ! Sincèrement,ces jours derniers, les livres me sont d’un grand secours, même ceux qui me bouleversent.Et je remercie toutes ces personnes qui viennent nous nourrir d’histoires. Je les aime

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      • Je me permets de participer à votre conversation! Tout d’abord, je trouve le commentaire de Veronique Wechsler très juste et très beau, moi aussi j’aime lire les interviews des écrivains, entendre leurs voix, je passe beaucoup de temps en ces moments difficile à lire encore plus, j’ai découvert les livres d’Isabelle Autissier qui font voyager, c’est le moins que l’on puisse dire, j’ai donc voulu mieux connaitre cette navigatrice amoureuse des voyages, de la voile et de la nature, présidente du WWF…et aussi une écrivaine que j’apprécie beaucoup! Après avoir lu trois romans qui te plairaient, j’ai regardé un documentaire ( une émission dans laquelle on apprend à mieux connaitre des auteurs et autres artistes à travers des disques de leur choix et ce qu’ils représentent pour eux ), j’ai découvert en regardant ce programme que cette « super woman » à qui tout semble réussir est avant tout un être humain d’une grande sensibilité qui a un petit côté timide. J’ai regardé une interview de Ron Rash, c’était la première fois que je l’entendais parler, j’ai plutôt l’habitude de lire des interviews, et son accent typique m’a fait sourire, j’ai aussi été très touchée par la façon dont il parle plus de son ami défunt que de lui, un écrivain que j’adore aussi lire, William Gay…Et comme tu le dis très justement, les livres sont d’un grand secours et maintenant plus que jamais, je me rend compte que ce besoin vital de lire l’est devenu encore plus depuis le mois de mars! Et puis il y a les quelques blogs que je suis fidèlement dont le tien qui nous font découvrir d’autres livres, d’autres auteurs…Merci à eux, merci à leur talent, ils rendent nos vies plus riches, nous font oublier la réalité parfois si triste, aujourd’hui plus que jamais!

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        • Chère Wivine, merci, et contente de te retrouver avec Isabelle Autissier, j’ai lu tes publications, mais je l’ai aussi souvent écoutée parler. Je te mets un message en privé, mais je te suis reconnaissante d’être toujours là. J’ai acheté des livres dont tu me parles depuis longtemps, mais n’ai pas encore eu le temps de m’y plonger, à cause d’un gros retard dans les livres qu’on m’a confié, entre autres raisons. Je t’embrasse, amie belge

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