« Etranges étrangers »
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d’Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manœuvres désœuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d’une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquent chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boîte de cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd’hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des hommes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez .
Jacques Prévert
(La pluie et le beau temps – Gallimard – 1955)
Malgré ma colère d’être prise pour une conne, j’ai voté, encore toujours…Et ça n’a pas suffi, encore toujours …Mon p’tit dessin du jour commente sans prétention…Bises bises
Ne te prend pas la tête, cela ne changera rien, jusqu’au jour ou toutes ces conneries changeront tout et là…Faudra choisir …
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Je sais, Kali, je sais, mais cette honte que nous ressentons, alors qu’ON NE DEVRAIT PAS !
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Un poème merveilleux que je ne connaissais pas… Encore une fois, merci de tes partages.
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J’aurais préféré le partager dans d’autres circonstances, à vrai dire… Prévert, à mon avis, est sous-estimé, en tous cas, quelle actualité !
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Je ne vote plus en France mais partage vos soucis pour ma terre natale. Ce poème est très beau, très émouvant. Je suis d’accord: Prévert est supérieur à sa réputation. Merci.
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J’ai une grande tendresse pour ce poète, parce que si proche de la vie des gens et si humain. Je pense avoir des valeurs semblables aux siennes.
Quant à ces élections, et la honte que je ressens, je préfère ne pas en parler…
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