Savana padana, c’est en Italie, près de Padoue, une « savane » qui ressemble plutôt à un marigot :
« Un fleuve au nord, un canal au sud. Le Brenta d’un côté, le Piovego de l’autre. Deux cours d’eau qui prennent en tenaille une terre plate, humide et miteuse, où le froid hivernal est maléfique et la chaleur estivale mortifère. Au milieu, en rase campagne, San Vito. Une église, trois immeubles et quelques pavillons. Mais surtout, une ligne droite qui coupe le village en deux depuis toujours. Avec un bar d’un côté et un bar de l’autre. »
J’avais été emballée par le premier opus noir de Matteo Righetto, « Bacchiglione blues », pas déçue pour un rond par ce court roman où humour, dérision et parodie ont la part belle. Avec tout d’abord une galerie de portraits assez réjouissante, que la présentation soit physique:
« Des tongs, un short, un marcel jaune, une Rolex et des bagouzes en or, plus la banane : le strict minimum. Pratique et malin, comme lui. Du moins c’est comme ça qu’il se voyait. »
ou qu’elle relève du CV :
« Ils avaient pour chef Ettore, alias « la Bête », un glandeur originaire de la pampa de Venise et Padoue, un type discret mais très dangereux qui, dans sa vie, avait planté pas mal de couteaux dans pas mal de ventres et qui se partageait maintenant le secteur avec le Tigre. Ettore ne venait jamais au bar. Il passait le plus clair de son temps dans sa villa de Stra et vivait comme un pacha avec une piscine, une Ferrari et une femme cocue.
« La Bête était un homme plutôt irascible, dont le CV de criminel affichait huit homicides qu’il avait tous accomplis de ses propres mains et qui étaient restés parfaitement impunis. Quatre par arme à feu, deux à l’arme blanche, un par strangulation et un autre, celui dont la Bête était le plus fier, par « enterrement anticipé ». »
Dans le bar Sport, c’est Toni qui tient la barre, on y sert du rouge, du blanc, de la grappa, on y mange des choses ignobles et on joue aux cartes en fumant. La clientèle est locale et louche, ce sont « les zozos » et le pilier, c’est Nane:
« Son client le plus vieux, Nane, un paysan qui avait le cerveau en bouillie depuis les années 80, s’asseyait à sa place habituelle, fixait le poster en noir et blanc de Fausto Coppi accroché au mur et pontifiait:
-Ah ! Pauv’Italie. De nos jours, tout fout l’camp! » »
D’ailleurs c’est ce leit – motiv qui sera le dernier mot de l’aventure, le plus adapté…
De l’autre côte, au bar Centrale, c’est le Chinois le patron, autrement nommé le Tigre, épaulé par ses trois serveuses, deux belles et une moche. La clientèle se compose de quelques Maghrébins et surtout de Gitans alcooliques. On y boit du Fernet à la menthe. Peu de monde et pourtant ce bar rapporte gros…Entre trafics et autres routines quotidiennes, Crado le carabinier et son adjoint Tonin vivent leur vie sans la risquer.
Le 13 Juin est jour de grand pèlerinage en l’honneur de St Antoine de Padoue, la température monte chez les zozos et les Gitans et de grands coups se préparent. Il serait bien injuste que je vous dise lesquels, mais quand les Gitans fraîchement arrivés s’en prennent au bien le plus cher d’ Ettore alias la Bête chef des Zozos – ça fait du bruit. Et ça part en sucette et on ne voit pas venir ce qui va se passer parce que bien sûr, ici, on a affaire à une drôle d’équipe, imprévisible et à qui aucun plan même le plus solide ne peut résister, et donc, rien ne se déroule comme prévu, pour personne…Quelques scènes assez bestiales, mais comme j’ai mauvais esprit elles m’ont beaucoup fait rire, comme les SMS que nos gangsters en carton s’envoient ( amoureux de l’orthographe, garez vos yeux ! ) : A MIDI FO ALÉ CHÉ LE CHEF. OTORINO PASS NOU PRANDR AVEC SA BANIOL DAN 1 DEMI HEUR.
Ambiance crasseuse à souhait, ça transpire, ça pète ( les zozos ne supportent pas les pousses de bambou et les germes de soja..), ça élimine de façon répugnante et ça se termine en une apothéose que personne – ou presque – ne remarquera ( oui, ce n’est pas très moral tout ça, et alors ?) . Adieu belle Italie !
« -Ah ! Pauv’Italie. De nos jours, tout fout l’camp! »
Lecture courte et réjouissante, j’adore !
« Bacchiglione blues » est dans ma PAL. J’ai lu « Ouvre les yeux » de cet auteur, a priori complètement différent de ses titres « polar », mais qui m’a beaucoup plu aussi.
J’aimeJ’aime
Oui, « Ouvre les yeux », je ne l’ai pas lu, et je suis impressionnée par les auteurs capables d’écrire dans des genres aussi éloignés, mais en tous cas dans le genre noir ces deux petits livres rouges sont extras ! Bien crasseux, ça, il ne faut pas craindre, mais c’est tellement drôle que tout passe ! …Et je ne crains pas grand chose
J’aimeJ’aime
J’ai adoré « Ouvre les yeux » dont l’ambiance est bien différente…
J’aimeJ’aime
Ah ! Je sais qu’il a été apprécié…Mais j’avais plutôt envie ces derniers temps d’une lecture drôle et barrée pour le moral !
J’aimeJ’aime
« Des tongs, un short, un marcel jaune, une Rolex et des bagouzes en or, plus la banane : le strict minimum … », quel portrait efficace et drôlatique (le strict minimum à effet garanti, en effet !!!).
J’aimeJ’aime
Ah ! Marie et ses commentaires en rafale comme pour les photos ! Grosse rigolade avec Righetto, celui-ci et le précédent. Oui, description parfaite !
J’aimeJ’aime
Je « rafale » quand je suis en mode trêve : ça concorde, non ? ;-))
J’aimeJ’aime
Ohlala ! la canicule n’altère pas tes capacités, mon hérisson, dis donc ! Jooooliiiii ! Concorde et rafale, ça vole haut ! ah ah ah ! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne