« Avant de distinguer le moindre mot, vous entendez la panique.
Elle émerge à la surface sous la forme d’un souffle irrégulier, d’une tension dans les cordes vocales, d’un cri, d’un hoquet de stupeur. La panique possède sa propre fréquence. De l’air dans l’air, particule par particule, elle vibre à travers l’atmosphère élastique, plus rapide que le son. Il n’y a rien de plus soudain et de plus épouvantable, elle transperce le calme ambiant et vous propulse jusque dans les pires endroits. Avant même que les mots ne jaillissent, l’angoisse est là, qui gronde sur l’autre rive du silence. Avant que le cerveau ne puisse déchiffrer ce que l’on est en train de vous dire, vous savez que quelque chose ne va pas. »
Ce tout début de ce premier roman australien est un très bon aperçu d’un des thèmes qui hantent le récit . Exploration en profondeur des relations d’un couple brisé et de leur enfant Ethan, petit génie de l’astro-physique dont le lapin se prénomme Quark, un « zarbi » qui n’a pas la vie facile à l’école d’être aussi doué et hors cadre.
Il n’est pas question que je vous raconte tout d’Ethan, de sa mère Claire, ex-danseuse classique et de son papa Mark, scientifique lui aussi et mis au ban. Mais en résumé, un jour Ethan trouve une lettre et l’envie de rencontrer son père dont il ne sait rien va surgir en lui avec force. Peu à peu, Antonia Hayes nous délivre des informations sur l’histoire qui a bouleversé les vies de ces trois personnages. Beaucoup de passages consacrés à la passion d’Ethan pour les étoiles, l’espace, la physique quantique ( Ethan a douze ans ) comme ici, Ethan et sa mère qui attendent une pluie de météores au début du livre :
« Au-dessus d’eux, trois cents sextillions d’étoiles réajustaient leur position. Elles se dilataient, se contactaient, implosaient – de nouvelles naissaient et les anciennes mouraient. Quasars et pulsars, novæ et nébuleuses, amas de galaxies tissé comme une toile d’araignée. Ethan observait l’univers marbré danser au-dessus de sa tête, en perpétuelle évolution et tournoyant vers son destin final. »
Ici, c’est facile, mais il est calé Ethan, impressionnant de savoirs et puis on découvre au long du récit qu’il voit des choses imperceptibles au commun…Si on passe sur ces développements scientifiques parfois un peu longs, qu’on les comprenne ou pas ( comme moi ! ), ce qui est intéressant c’est l’usage métaphorique qui en est fait pour mettre en relation ces mouvements et interactions célestes avec les liens entre Ethan et sa mère, entre Claire et Mark, entre Ethan et Mark, trois êtres qui gravitent, s’attirent et se repoussent dans un ballet doux ou violent, leurs énergies se heurtent, s’augmentent ou se désintègrent.
Il est ici avant tout question d’un amour débordant, celui de Claire pour son fils Ethan, un amour fusionnel intense et exclusif qu’on peut trouver dangereux et lourd à porter, même s’il est chaud et réconfortant aussi, mais c’est une sorte de forteresse ou pour rester dans le ton une micro-planète pour deux. Il y a en filigrane l’amour ravagé de Claire et Mark, broyé par la colère, la rancune, et surtout le doute qui ronge. Mark qui ne cessait de dire à Claire qu’elle était « sa constante » ( c’est joli, non ?)
« -Tu vois cette étoile, juste là?
Elle scruta au-delà de l’endroit où le bout de son doigt effleurait le ciel.
-Peut-être, dit-elle en fermant un œil pour voir plus distinctement les étoiles.
-C’est la tienne. Je l’ai achetée pour toi.
-Tu m’as acheté une étoile? dit-elle, l’air sceptique.
-Parce que tu es ma lumière. Ma constante. »
Je dois dire que j’ai aimé le personnage de Mark, c’est peut-être lui qui m’a le plus touchée. Je ne peux vous dire pourquoi, mais j’ai ressenti sa solitude, son isolement et le poids qu’il porte. Et puis Alison, la gamine amie d’Ethan, une force de la nature malgré ce qui l’accable et qui donne lieu à des chapitres plus drôles, plus proches de l’enfance, malgré la gravité pleine de dérision de ces deux gosses.. Des gens forts que tous ces personnages.
Au final, comme je ne peux pas en dire plus sans trop en révéler, un joli moment de lecture, plein d’émotion avec cette mère emplie de son enfant et ce père si vide de lui, Ethan qui dans les circonvolutions lumineuses de son cerveau zarbi aime fort la vie, sa mère, son père, Alison, et reste malgré tout un enfant de douze ans, avec sa lucidité candide.
Très beau chapitre final sur la gravité, je ne vous présente qu’un petit extrait:
« La gravité fait rouler les larmes sur nos joues, et notre poitrine se soulever et s’affaisser. Elle est la raison pour laquelle nous nous effondrons et hurlons notre douleur. Elle peut être paralysante et nous laisser comme des poids morts dans notre lit, incapables de nous lever et d’affronter la journée à venir. La gravité nous joue des tours; elle déforme l’espace et le temps, courbe la trajectoire de la lumière. Elle retient nos pieds au sol et nous empêche de nous envoler dans l’atmosphère, de disparaître dans l’espace.[…] Aucun de nous ne connaît l’apesanteur. La gravité s’étend à l’infini.
Et lorsque des forces plus grandes menacent de nous séparer, c’est le plus faible qui nous rassemble. La gravité nous lie les uns aux autres. »
Et bien … voilà un livre qui va me plaire, je le sais. Encore un. Pour l’instant je lis avec beaucoup de plaisir un autre trésor déniché par la Livrophage … que je remercie chaleureusement. Bonne journée ma belle-soeur.
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Je pense, oui, qu’il te plaira
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J’ajoute que je vais le lire avec beaucoup de nostalgie. Et je sais que tu sais pourquoi.
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Oui,peut-être, mais quand tu l’auras lu on en parlera
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Je vais laisser résonner en moi cette dernière phrase, aujourd’hui sous la pluie, demain -surtout vers 20h- et sans doute bien au-delà …
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…oui …
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Belles citations! Bien envie de découvrir ce roman australien dont le titre me plaît beaucoup.
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