« Selon la légende familiale, le grand-père de Ferguson serait parti à pied de sa ville natale de Minsk avec cent roubles cousus dans la doublure de sa veste, il aurait fait route vers l’ouest jusqu’à Hambourg en passant par Varsovie et Berlin et il aurait acheté un billet sur un bateau baptisé l’Impératrice de Chine qui traversa l’Atlantique à travers de rudes tempêtes hivernales pour entrer dans le port de New York le premier jour du XXème siècle. »
( S’en suit la « blague » qui va donner le nom de Ferguson à cette famille plutôt que Rockfeller…Ah ça vous intrigue … Lisez ! )
Et me voici embarquée pour 1016 pages denses sur les pas de Ferguson et de sa famille…Enfin sur les pas de quatre Ferguson, enfin de quatre Archibald Isaac Ferguson, petit- fils de cet immigré de Minsk. Comment faire pour parler d’un tel roman, un roman qui en contient quatre, un roman bâti comme un labyrinthe, avec des portes d’entrée et de sortie, un roman où quatre vies du même jeune garçon et de sa famille se percutent, se croisent, s’imaginent, toutes dans le même texte fiévreux.
Comment ne pas trahir ce qu’a voulu ce grand auteur qu’est Paul Auster ? Je me suis abstenue de lire ce qui a été publié ( sauf deux articles de blogueuses ), je n’ai pas écouté les nombreuses émissions de radio et de télévision qui ont reçu Paul Auster, mais j’ai lu chaque mot de ce monument sans en sauter un seul. Pour ne me fier qu’à ce que je ressentirais, qu’à ce que je percevrais. Voici très précisément ici, dans cette œuvre magistrale tout ce que j’aime chez cet immense écrivain dont je n’ai pas tout lu, et pas tout aimé de ce que j’ai lu.
L’inventivité, l’écriture vive, nerveuse, rythmée, l’humour, l’auto dérision, le foisonnement des vies de Ferguson, et cette façon de jouer avec le lecteur en le promenant dans ces vies multiples, tout en lui faisant la grâce d’un indice qui toujours évite qu’il se perde trop. Vies multiples, mais pourtant c’est bien le même Archie Ferguson, avec sa mère ( peut-être bien mon personnage favori ), son père, sa multitude d’aventures amoureuses et ses amitiés qui parfois ne font que passer dans une vie, mais parfois se retrouvent dans toutes. Des vies où on perd des êtres chers et en rencontre d’autres, des vies qui tiennent à un choix, une décision à un moment précis ou un événement , qui font que ce qui était possible se transforme en autre chose
« […] car le réel se composait aussi de ce qui aurait pu arriver mais ne s’était pas produit, qu’une route n’était ni pire ni meilleure qu’une autre mais que le tourment de vivre dans un corps singulier faisait qu’à tout moment on ne pouvait se trouver que sur une seule route même si on aurait bien pu se trouver sur une autre, en train de se diriger vers un but complètement différent. »
Impossible à raconter mais une chose est sûre, c’est qu’il ne faut pas s’effrayer de cette épaisseur, parce que c’est une lecture incroyablement riche et prenante. Outre les multiples possibles de la vie d’Archie, on est immergé dans New-York et sa banlieue, les sports que pratiquent nos quatre Ferguson, les universités qu’ils fréquentent, et le tout dans une histoire des mouvements étudiants, culturels, sociaux et politiques de 1947 ( année de naissance d’Archibald Isaac Ferguson ) jusqu’à 1975, date à laquelle le même Ferguson met le point final à son œuvre : »4 3 2 1 » qui compte 1133 pages. Et c’est à la fin du roman qu’on comprend l’ambition de l’auteur ( Auster / Ferguson ):
« […] il allait ainsi écrire un livre sur quatre personnages identiques mais différents portant tous le même nom: Ferguson.
Un nom né d’une blague sur les noms. La chute d’une blague sur les Juifs de Pologne et de Russie qui avaient pris le bateau pour venir en Amérique. Sans aucun doute une blague juive sur l’Amérique et l’énorme statue qui se dresse dans le port de New York.
|…]Identiques mais différents, ce qui voulait dire quatre garçons ayant les mêmes parents, le même corps, le même patrimoine génétique, mais chacun vivant dans une maison différente, dans une ville différente, avec sa panoplie de circonstances. Poussé de-ci de-là sous l’effet de ces circonstances, les garçons commenceraient à se différencier à mesure que le livre avancerait, ils ramperaient, marcheraient et galoperaient à travers l’enfance, l’adolescence et le début de l’âge adulte en tant que personnages de plus en plus différents, chacun sur sa propre voie distincte tout en restant pourtant la même personne, trois versions imaginaires de lui-même, et lui-même interviendrait comme le Numéro Quatre pour faire bonne mesure […]
Je m’en tiendrai à ça; vous voyez ici la longueur des phrases, c’est cette écriture qui donne le tonus et la vivacité du texte, mais aussi l’intelligence du propos. Un livre sur les carrefours en quelque sorte, les moments des choix que l’on fait ou pas volontairement ou par une intervention extérieure indépendante de notre volonté…
Un livre sur l’écriture aussi, le livre d’une vie qui s’invente encore à travers la littérature je pense, un hommage à la littérature, au cinéma. Ce que j’ai préféré, eh bien les enfances et la mère, Rose, photographe, Laurel et Hardy et l’histoire de Franck et Hanck, aussi…. Je pourrais vous donner encore quelques exemples de ces vagues de mots qui portent loin le lecteur dans la pensée de cet Archie si attachant, si intelligent et si imaginatif, mais franchement, non…
Il m’a fallu du temps pour lire ce roman, parce que j’ai voulu le lire sans en manquer quoi que ce soit ( j’ai relu plusieurs fois certaines pages ) . Je conseille la certitude d’être au calme, d’avoir plusieurs heures de suite sans interruption, car c’est un fleuve tumultueux dont on a du mal à sortir.
« -Je veux dire qu’on ne peut jamais savoir si on fait le bon choix ou non. Il faudrait être en possession de tous les éléments pour le savoir et le seul moyen d’y arriver est d’être aux deux endroits à la fois, ce qui est impossible. »
Mais ici c’est possible et Paul Auster l’a fait !
Coup de cœur !
Je l’ai acheté, puis je l’ai offert. J’ai lu presque tout de Paul Auster, c’est un auteur majeur de ma bibliothèque, même si je l’ai laissé de côté ces dernières années. Vais-je attendre sa sortie en poche? En attendant, pourquoi ne pas reprendre la trilogie? Quel stress devant ces gourmandises littéraires à déguster! N’est-ce pas chère livrophage?
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et le voici, ce commentaire !!! Il a été mis à la corbeille à mon insu ! tout est rentré dans l’ordre 🙂
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Tu n’as pas accès à mon commentaire ci-dessus?
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je n’en ai pas vu d’autre que celui-ci, je vais voir ça de plus près
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Non, rien…Mystèèèèère !
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Ahah! Un commentaire fantôme!
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😉
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Oh. Il m’est apparu fugitivement, puis a complètement disparu!
Bref, je t’y informais de mon admiration pour les écrits de Paul Auster depuis ses débuts. Ces dernières années, ma fidélité s’étant un peu étiolée, j’ai dû manquer un ou deux de ses romans. Je lui voue pourtant toujours mon admiration. J’ai acheté 4321, puis je l’ai offert. Pas encore lu donc. Et je me demande si je ne vais pas relire la trilogie en attendant la sortie en poche. A moins que je le trouve disponible en bibliothèque. Et je me délecte des interviews que je trouve par ci par là, ainsi que de la goûteuse chronique d’une dévoreuse de livres de ma connaissance…
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Nous y voilà ! Je butine, en effet, et si j’ai quelques fidélités tenaces à certains auteurs, ces dernières années, j’ai pris un très grand plaisir aux nouveaux auteurs et aux premiers romans, je trouve qu’il faut aider toutes ces plumes émergentes à tracer leur route. Néanmoins, Paul Auster est ici dans une forme olympique et ce livre marathon met en pleine forme !
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Mais oui, tu as bien raison! Je lis quelques auteurs suisses dans ce but.
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j’ai prévu une lecture suisse en Avril, je n’en dis pas plus !
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Incardona, peut-être? Ok ok , j’attendrai!
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naaan !
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A lire, donc. J’aile beaucoup Paul Auster, mais j’avoue l’avoir un peu délaissé ces dernières années, guère tentée par ses derniers titres. Voici l’occasion de renouer avec lui !
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Je suis comme toi. Pas lu tout ce qui est sorti après Brooklyn folies que j’avais beaucoup aimé. J’ai retrouvé le même esprit dans ce roman-ci, la vie, des gens, des époques, et la littérature, en reine !
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C’est vrai que ces plus de mille pages effraye un peu mais tout de même il me tente énormément, j’aime beaucoup l’idée de ces multitudes de vies différentes selon nos choix et les routes que nous choississons, c’est une vraie belle idée. Et puis c’est tellement vrai, comment savoir ce que serait nos vies si nous avions choisi ceci plutôt que cela :0) Bon dimanche
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Absolument, quand on se met en « pause », on se dit si à tel moment, j’avais fait ceci plutôt que cela…Et mis à part cet aspect du livre, c’est un vrai roman dans lequel il se passe des tas de choses, où l’on croise des tas de personnages très intéressants, drôles ou/et touchants. Une belle lecture ! Dimanche se termine, il fut agréable !
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Bon j’ai fait pleins de fautes désolée, tu les corrigeras de toi même en me lisant j’en suis sûre ;0)
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bah oui ! c’est pas grave ! nos doigts sont désobéissants, parfois !
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Voilà un écrivain que je connais de réputation! Combien de fois ne suis-je pas passée devant ses livres en me demandant si j’allais me décider j’allais en emprunter un ou pas…Il y a deux semaines encore, j’hésitais et j’ai opté pour Erdrich, Alice Sebold et Murakami…Ce livre en particulier, je l’ai eu dans mes mains ainsi que « Sunset park »…Alors, c’est décidé, je vais « me jeter à l’eau »! Il est temps que je lise un roman de cet écrivain dont tout le monde parle! Je ne sais pas quand car « LaRose » est encore sur ma liste ainsi que tant d’autres bouquins!
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franchement, commencer Auster avec ce roman-ci, c’est découvrir une facette…euh non, une boule à facette éblouissante !
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