« À sept fuseaux horaires de Belfast, vers l’ouest, la future victime était encore vivante et en bonne santé. Une jeune femme sûre d’elle, appréciée – et intelligente, qualité qui allait causer sa perte.
Avec l’aide d’une balle de calibre.22. »
J’ai trouvé d’occasion ce livre d’Adrian McKinty, alors qu’après l’avoir découvert avec « Une terre si froide », je m’étais dit que je lirais encore cet auteur. Ce roman – ci est plus ancien, et ne fait pas partie d’une série.
Bien qu’il débute en Irlande (Belfast), la majeure partie du roman se déroule dans le Colorado, à Denver et ses environs, avec une brève escale en Inde vers la fin.
Adrian McKinty m’avait plutôt impressionnée par son écriture, son ton acerbe et amèrement ironique. Son talent ici est le même. Car non content de nous donner un vrai polar avec une intrigue tortueuse, des personnages bien tracés, un héros attachant, il profite du voyage de son personnage Alex Lawson dans le Colorado pour donner une vision assez critique d’une certaine Amérique, celle en période électorale quand la quête commence pour financer les campagnes, et que la compromission fait loi.
McKinty balaie du regard de son personnage les paysages du Colorado, il scrute ses villes, ses habitants et son histoire ( la nation comanche est évoquée plusieurs fois) sans concessions, avec la curiosité du jeune homme et l’émerveillement de l’ami John qui voit « en vrai » ce qu’il connaissait par les films ou les séries. La réalité et ce qui va leur arriver ne va pas beaucoup les démentir.
Tout ça de façon habilement menée va nous ramener finalement à l’Irlande, l’UDA et l’IRA, la police, la politique, la pègre et le trafic de drogue…Bref ! Un tableau bien noir quand même. Quelques mots du héros, Alex, parce que ce genre de « profil » est à ma connaissance assez rare dans le polar, à savoir : il est jeune, et même très jeune, 25 ans, et déjà démissionnaire de la police après une carrière brève mais brillante. Il est intelligent et cultivé, curieux, le cœur encore tendre, il drague en disant à l’oreille des filles des poèmes de Yeats… Quand il apprend la mort de sa première conquête féminine, Victoria Patawasti à Denver, victime d’un meurtre, il accepte la proposition du père, qui doute de la culpabilité de l’homme qui a été arrêté, de se rendre sur place mener l’enquête, flanqué de son meilleur ami John. Il peut ainsi échapper quelques temps à la surveillance de la commission qui veut l’amener à témoigner dans une affaire qui ferait le plus grand tort à la police irlandaise.
Lentement tout se met en place et peu à peu la machine s’emballe, tenant le lecteur en haleine par le rythme et le suspense mais aussi par l’écriture, le style remarquable – une vraie personnalité – , des giclées de poésie un peu hors du temps:
« Lookout Mountain flotte dans la brume. Le ciel est calme, d’un bleu méditerranéen rayé par les diagonales incurvées des jets. Le calme devient plus profond, plus tendu. Un vide muet. Une absence qui plane engourdit les architectures. Il est encore tôt. Un chien errant. Un chat sans queue. Une fille en châle noir.
Les contreforts des montagnes, aussi proches qu’une araignée sur le mur.
Une perspective à vue d’oiseau.
Cette rue dont la rectitude est encore soulignée par les angles parfaits des intersections. Les rayons du grand soleil, à l’est, aspirés latéralement.
L’inquiétude te tient par les cheveux.
Des ennemis partout, aux quatre points cardinaux, dans tous les azimuts.
Mais pas ce matin, sous l’azur où planent les nuages d’ivoire et cette étoile locale qui répand sa chaleur bienveillante.
Dire qu’il y a juste un instant, tout cela n’était que plaine mythique, espace de migration des bisons et de la nation comanche. »
des dialogues bien balancés, et beaucoup d’humour.
« Tout cela rendait John philosophe:
-« C’est pas si mal, d’attendre. On remarque des trucs. Le temps ralentit, se décompose en ses éléments constitutifs. Notre conscience a trop souvent tendance à fonctionner sur pilote automatique, on met le régulateur de vitesse et on regarde passer la journée, la semaine, toute notre vie sur cette planète… »
D’où est-ce qu’il sortait cette psychologie à deux balles ? De son manuel de moto ? En tous cas, pas question que je morde à l’hameçon.[…]
-Vise un peu toutes ces étoiles! » s’est extasié John.
Il commençait à me gonfler, et je me suis consciencieusement abstenu de lever les yeux. »
Vraiment un personnage que j’ai aimé peut-être pour sa jeunesse, cette tendance à la blague et à tomber amoureux, sans perdre pourtant son côté pro, même s’il est sur la touche; ça change un peu des commissaires déclinants, proches de la retraite, dépressifs et /ou alcooliques ( bon, Alex a des vices lui aussi…). C’est un livre intelligent, drôle et sensible , qui porte je trouve, un regard original sur le monde. Adrian McKinty, encore une très belle voix irlandaise.
J’ai prévu de la découvrir avec la lecture commune du 5 août pour « Lire le monde ». Si je peux mettre la main dessus d’ici là, je pense choisir « Une terre si froide », premier volet d’une trilogie qui se déroule en Irlande.
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Franchement, c’est bien; drôle souvent, un regard acéré; je pense que je vais lire la suite de « Une terre si froide » ( quand, j’en sais fichtre rien ! ). Les Irlandais me déçoivent rarement, en fait
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Ouh tu m’intéresses ! J’attendais la fin de la trlogie de Belfast, mais je crois bien qu’une des éditrices est partie et du coup on attends toujours la fin… Je vaisjeter un oeil à celui-là, mais là je suis un peu en panne en ce moment, et bien fatiguée ^^
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Ce serait parfait pour toi, c’est un beau livre, souvent drôle, parfois émouvant, jamais rasoir, et facile à lire.
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De cet auteur, je n’ai lu que Le fleuve caché, et je me demande bien pourquoi je n’en ai pas lu d’autre !
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Ah ! c’est juste qu’on n’a qu’une vie, pas assez de temps, tant de choses à lire, belles, prenantes, passionnantes. parfois, c’est juste un hasard, la rencontre avec un livre. Celui-ci, c’est en passant devant une bibliothèque associative qui bradait des bouquins – je ne résiste jamais à ça…-je connaissais et j’avais aimé alors j’ai pris celui-ci ! Un bon bouquin
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j’ai son nom dans mon carnet livres (où je note tous les livres que je veux lire), sur mon iPhone, sur mon compte Bibli .. je le croise sans arrêt ! il me le faut, je veux par contre lire le précédent – et celui-ci ! merci pour le rappel !
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Voilà un billet qui donne envie. Je le mets pour ma pal d’été. Comme toi, le vieux policier usé commence à m’… user. Bises 🙂
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Ah ah ah ! Je les aime encore bien. Indridason – le petit malin – écrit des livres sur la jeunesse d’Erlendur ! Ici, c’est épatant cette jeunesse, j’ai vraiment aimé lire ça, du plaisir pas sot.
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Malin 😉
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J’aime bien cette écriture : quand l’élision des verbes donne du rythme à certaines phrases, mais que par ailleurs la construction « littéraire » des autres phrases vient équilibrer l’ensemble.
Le rythme d’une écriture, c’est un peu la « chanson » qui se dégage d’un texte. J’avoue y être sensible.
Bref, encore un livre rajouté à ma liste, tant pour le contenu, l’humour que j’y devine et les personnages, que pour la forme : mais comment je vais faire ?!!!! …..
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Complètement d’accord, c’est d’ailleurs ce qui fait la différence entre les livres que je lis. J’en aime beaucoup c’est vrai mais certains bien plus que d’autres, car plus que l’histoire, il y a le ton, le rythme, le vocabulaire, les images, parfois tout ça, la petie musique des mots. McKinty est très doué, et son talent à changer de registre donne effectivement au livre une grande force .
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