« Milieu de l’été : les longues journées commencent dans une brume lumineuse qui s’élève du sol, et n’en finissent pas. Leurs heures s’étirent, elles s’étirent. Elles s’étirent jusqu’à contenir tout ce que vous pouvez y mettre; elles prendront tout ce que vous avez. Action, inaction, bonnes idées, mauvaises idées, conversation, amour, ennui, toutes sortes de mensonges – elles contiendront tout. Travail ? Personne ne travaille plus. Bien sûr, avant, oui. Les fermiers travaillaient. Pour eux, les journées du milieu de l’été étaient les meilleures pour travailler, mais les fermiers sont partis. Ils travaillaient, ils bâtissaient, mais ils sont partis. Qui viendra ensuite? »
Lecture rapide pour ce petit polar, original surtout sur sa forme et son écriture ( et on notera la belle traduction de Fabrice Pointeau, d’ailleurs). Intéressant pour l’instantané d’une région en déclin, également.
Dans un coin paumé du Vermont autrefois agricole et forestier, Blackway sème la terreur. Lillian, une jeune femme de caractère, va trouver le shérif Wingate parce que Blackway la harcèle et a tué son chat prénommé Annabelle. Le shérif envoie la jeune femme têtue au moulin, lui disant qui demander pour trouver de l’aide.
« -Cette fille a la tête dure, déclara D.B.
-C’est qui ? demanda Conrad.
-Elle a les cheveux qui lui descendent jusqu’au cul, observa Coop. Vous avez vu ses cheveux ?
-Et elle se prend pas pour de la merde, pas vrai ? dit D.B. « C’est quoi votre problème à vous autres? »
-Elle a bien plu à Whiz, observa Coop.
– C’est vrai? demanda Conrad à Whizzer.
-Pour sûr, répondit-il.
-Whiz aime les cheveux, observa Coop.
-Parce qu’il voudrait en avoir plus sur la tête, ironisa D.B.
-C’est quoi le problème avec ses cheveux? demanda Whizzer.
–« Vous autres ? »dit D.B.. Un chat qui s’appelle Annabelle. Elle se prend pas pour de la merde. Elle se croit…Comment ça s’appelle ?
-Ça s’appelle de l’arrogance, dit Conrad. »
Et c’est ainsi que débute ce livre curieux, constitué essentiellement de dialogues aux réparties brèves, voire laconiques entre une bande de vieux amis qui tuent le temps en buvant de la bière dans un vieux moulin aménagé à cet effet. Ces dialogues sont comme des échanges au ping-pong, ça claque et ça rebondit, c’est le plus souvent comique, bien qu’empreint de mélancolie . Les lieux respirent quelque peu l’ennui des jours qui passent et se ressemblent. Alors, la venue de la jeune Lillian et de sa tête dure réveille la compagnie.
L’intrigue est une course- poursuite à travers la région pour mettre la main sur Blackway, menée par Lillian flanquée du vieux Lester armé d’un tromblon et du jeunot Nate, géant d’une force physique impressionnante.
Plus que l’intrigue, prétexte à une promenade dans ces endroits désolés, c’est la vie au ralenti d’une région mourante qui est dépeinte ici, à travers les souvenirs des compères qui tuent le temps en discutant d’hier, et un peu d’aujourd’hui. Hors des dialogues, les passages narratifs sont très bien écrits, jamais d’emphase, juste ce qu’il faut de mots pour dire la désolation et l’abandon.
« Après le virage, le sentier s’enfonçait dans une cuvette peu profonde au milieu des montagnes. Sur la droite, la forêt; sur la gauche, une grande zone infertile, l’un des vieux vestiges de scierie, un hectare de désert couvert de sciure compactée: brune, chaude, formant des pics et des monticules, pratiquement dénuée de végétation si ce n’étaient quelques mauvaises herbes, quelques tiges desséchées qui se dressaient ici et là, agitées par le faible vent qui soufflait sur la zone désolée. »
Un plaisir de lecture distrayant sans idiotie que ce premier roman, de cet auteur à suivre je pense.
Ma foi, pourquoi pas 🙂 Je suis dans le dernier Carlson, qui est très bien mais assez dur à lire.
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ah eh bien ici tu auras une lecture reposante. C’est assez sympa, mais pas non plus époustouflant. Carlson, je n’avais pas accroché sur « Le signal », mais pourquoi pas réessayer…Pour le moment, je suis dans Ken Kesey, pas facile à lire non plus, mais bluffant. Je lis deux livres en même temps, un second plus « reposant » !
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Pareil j’ai fait des petits voyages en bd et en jeunesse 🙂
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Ahah! Vol au-dessus d’un nid de coucou? je ne l’ai jamais lu, qu’est-ce que ça vaut? je connais Kesey pour les Merry Prankster avec Cassady et ses expérimentations psychédéliques…Une époque de fous!
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C’est mon premier livre de Ken Kesey, pas lu d’autres, mais oui, un livre de fous, et je ne l’ai que commencé…Pas facile facile, mais j’aime assez la difficulté, en lecture…;)
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Pour le Vermont alors? C’est si beau cette partie de la Nouvelle Angleterre. Si il y faisait moins froid moins longtemps j’adorerais. Pas la pleine campagne nécessairement mais il y a de petites villes tellement belles. Mais je m’égare. C’est de litérature que l’on parle ici. Pour un premier livre les dialogues semblent bons et l’intrigue pas mauvaise non plus. Tu sembles avoir passé un bon moment en tous cas. A plus tard.
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Oui, un moment agréable. On sent le potentiel, côté style, sans doute à travailler encore – la longueur des dialogues à maîtriser par exemple – mais de temps en temps, une lecture facile c’est bien
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Ah les dialogues. Toujours difficiles à réussir. À plus.
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Ici, ça crépite, c’est assez long, il s’arrête juste avent que ça lasse !
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Vol au dessus d’un nid de coucous » m’avait beaucoup plu quand je l’avais lu, peu après la sortie du film. J’ai déjà une telle liste de livres à lire que je vais peut-être bien faire l’impasse sur celui-là (en général, je ne suis pas fan des livres courts, j’aime avoir le temps de m’installer).
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Je l’ai déjà noté ce matin chez Jerome. Les extraits que tu as choisis me plaisent. Pour Ken Kensey je n’ai pas lu Vol au dessus d’un nid de coucous; mais j’ai lu Et quelque fois j’ai comme une grande idée, je l’ai trouvé phénoménal!!
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Moi, je n’ai pas lu « vol au-dessus d’un nid de coucou », pour « et quelque fois… », en ce moment j’ai du mal, les emmerdements du quotidien parasitent un peu la sérénité, le calme et la constance qu’il faut à cette lecture, mais tout devrait se calmer, et j’ai senti, aux premières pages, que ce serait phénoménal, comme tu dis. Le Freeman, facile, cool, marrant ! Bonne lecture !
P.S. : Louise, j’adore vraiment ce prénom 🙂
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Un joli billet qui me donne envie d’aller trainer mes guêtres dans ce coin du Vermont…
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Tu as trouvé exactement ce qu’est cette lecture, on y traîne ses guêtres avec les personnages !
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