« L’homme de Kiev » de Bernard Malamud – éditions Payot/Rivages, traduit par Solange et Georges de Lalène

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Extrait et fin de la préface de Jonathan Safran Foer :

« Notre monde – aussi désespéré et détraqué soit-il – a besoin de romans existentiels, de romans qui nous apportent un bien plus précieux que l’espoir : un appel à l’action. Le véritable réparateur n’est pas Yakov Bok. ( C’est un personnage de l’autre monde.) Et ce n’est pas Bernard Malamud. ( Lui est le pont entre ce monde et le nôtre. ) Le véritable réparateur, c’est chacun de nous. Nous devons agir. Voilà ce que ce roman, comme tous les chefs d’oeuvre, nous rappelle. »

 

Voici un livre paru aux USA en 1967, qui valut à son auteur le prix Pulitzer et le National Book Award. Payot nous en propose une édition révisée. Bernard Malamud est considéré comme une des maîtres de la littérature juive américaine, même s’il est méconnu ici.

Ce livre, sur lequel je ne ferai pas de trop longs discours est hélas tristement d’actualité. Il y est question de bouc émissaire, d’injustice et d’arbitraire, de racisme et de sectarisme et enfin de la difficulté d’être un libre-penseur dans un monde où la religion tient lieu de règle : pour la vie intime, pour la vie sociale, pour la loi. 

Yakov Bok est un homme libre et libre-penseur, dont on va faire un juif. Certes il appartient à cette diaspora, mais il n’est pas religieux et bien que simple pauvre réparateur, il se passionne pour la philosophie de Spinoza.

Un jeune garçon est assassiné et c’est lui, arbitrairement, qui sera accusé, au prétexte qu’il est juif ainsi que par la somme d’histoires idiotes et croyances ridicules attachées à cette religion qui feraient de lui le coupable d’un meurtre rituel.

Alors on vit la descente aux enfers de Yakov et sa phénoménale capacité de résistance, car jamais, jamais Yakov ne cédera aux pressions et aux tortures, et jamais il ne renoncera à sa liberté intellectuelle. Pourtant subir ce qui lui est infligé ferait succomber n’importe qui.

Bernard Malamud s’est directement inspiré de ce fait authentique, et un film de John Frankenheimer adaptera cette sinistre histoire ( je n’ai trouvé qu’un extrait de 9 minutes en espagnol et ça me semble bien « soft » à côté de ma lecture…)

À lire, assurément…

« – Il y a un adage français qui dit: « Plus ça change, plus c’est la même chose. »Il faut bien admettre qu’il y a du vrai là-dedans, et surtout eu égard à ce que nous appelons la « société ». En fait, pour l’essentiel elle ressemble à ce qu’elle était aux temps très reculés, même si nous tendons plus ou moins à considérer la civilisation comme un progrès. À vrai dire je ne crois plus à ce concept de progrès. Je respecte l’homme pour les épreuves qu’il doit subir au cours de son existence, et parfois aussi pour la manière dont il les subit, mais il a peu changé depuis qu’il a commencé à se prétendre civilisé, et l’on peut en dire autant de notre société. Tel est mon sentiment […] »

25 réflexions au sujet de « « L’homme de Kiev » de Bernard Malamud – éditions Payot/Rivages, traduit par Solange et Georges de Lalène »

  1. Un auteur dont je n’avais jamais entendu parlé. Il y a tant d’écrivain à découvrir ! En voilà un dont j’essaierai de me souvenir pour le lire un jour prochain.
    Merci pour cette chronique intéressante.

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  2. Aaaargh! on m’avait parlé de ce monument qu’est Malamud et je ne l’ai pas encore lu! Merci de me rafraîchir la mémoire. Rien qu’une préface de Jonathan Safran Foer me rend les neurones fébriles…

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  3. Comme c’est agréable de retrouver ainsi réunies, mes 2 blogueuses préférées, qui chacune à sa manière me rend toujours plus curieuse , plus cultivée, plus éclairée ! Je vous remercie toutes les 2 ! J’aime votre engagement intelligent généreux, et fin ! Je ne connaissais pas l’auteur,ni le livre, ni même me le fait divers. Plus ça change, plus c’est la même chose…Fait réfléchir douloureusement…Merci d’aider tout de même à ce que ça change pour de bon. Je vous embrasse toutes les 2.

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  4. Je viens de le lire dans le cadre d’une LC (billet à paraître dimanche prochain). On ne s’étonne plus -malheureusement- de la bêtise et de la méchanceté des hommes, mais cela n’empêche, ce genre de récit rend toujours nauséeux…
    J’ai aimé l’approche de Malamud, qui se focalise sur Yakov, et sa descente aux enfers, comme tu l’écrit… il nous permet ainsi d’approcher ce que les conséquences de cette bêtise ont de plus intime.

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    • Oui, d’accord avec toi, c’est la focalisation sur Yakov qui rend le livre si fort, l’observation de ce qu’il pense, ressent, et cette résistance inouïe, cette volonté de ne pas renoncer à ses convictions. Personnage magnifique.

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  5. Encore une découverte pour moi ! et encore une envie de lecture grâce à toi… même si on aimerait ne pas avoir à lire ce genre de livres inspiré d’un fait réel (que je ne connaissais pas)… malheureusement nous ne sommes pas dans le monde des bisounours, et c’est à la fois rassurant de voir que nombre de gens s’en révoltent, et inquiétant de voir que ce genre de choses se perpétuent…

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    • ah non, les bisounours, c’est pas mon genre, du tout ! 🙂 Et puis je pense que la bonne littérature fait passer ainsi tant de choses, idées, sentiments, outils pour réfléchir, et bien sûr pas seulement pour la dureté du monde, mais aussi sa douceur; ainsi la nature writing, les odes à la beauté du monde…j’aime beaucoup. Ou l’humour, mais je trouve qu’il y a peu de livres drôles – je veux dire d’un bout à l’autre, dont c’est l’objectif. J’aime Craig Johnson par exemple justement parce qu’il arrive à allier ce chant à la nature, l’humour, une intrigue, des faits de société… sans jamais être lourdingue, ni trop sentencieux.

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  6. J’ai dû attendre de revenir à Laragne où je l’avais commandé, mais ça y est, je l’ai lu d’une traite! (j’ai le temps). L’écriture de Malamud est limpide et superbe. Comme tu le dis, vivre le calvaire de Yakov nous met en situation empathique et j’ai vibré avec lui. Un roman ( les exemples vécus ne manquent pas) intemporel par son sujet, lui-même transposable à n’importe quelle époque et lieu de ce monde effarant.

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