Le sous-titre : « Chronique de quelques détraquements dans la contrée des kratts »
Fin d’une parenthèse absolument loufoque et savoureuse, pour une histoire estonienne, un conte où tout se détraque très vite, pour notre plus grande jubilation. Chronique d’un village où de tous temps l’estonien est chez lui, où tout est à lui, où la propriété est celle de chacun et de tous ( ou plutôt à celui qui saura s’en emparer ) : ça vole, ça chaparde, ça dérobe, en particulier dans le manoir, chez le vieux baron et sa famille : les robes de deuil pour en faire des robes de mariées, la cave et ses réserves, le bois, le blé…Car nous le savons tous, n’est-ce pas, il faut prendre les choses dont on a besoin là où elles se trouvent !
Tout ça pour vous dire que sous des aspects cocasses, burlesques à souhait, voici un conte cruel et délicieusement immoral , enfin apparemment, car il y a une belle idée dans cette immoralité !
Le voleur peut se faire attraper, mais seulement par le Diable, qui pour punition le fera travailler en son enfer qui s’avère être un paradis:
« Comme j’étais aux commandes, je pouvais décider qui je faisais cuire à gros bouillons ou seulement chauffer à l’eau tiède. Les plus gentils et les plus généreux avec moi pouvaient se prélasser comme dans une baignoire. Mais les radins et ceux dont la tête ne me revenait pas, je les changeais aussitôt en soupe de pois, à leur en faire éclater les orteils! »
Ce qui m’est apparu pendant cette lecture, c’est que j’avais envie de lire à voix haute…Toute cette histoire est à conter, et ferait à mon avis une extraordinaire pièce de théâtre. Le langage y est truculent, d’une grossièreté de bon aloi ! Et très irrévérencieux, bien entendu.
« Tous ces gens d’église sont arrivés chez nous à l’époque du roi Lembitu. Ils nous ont enlevé nos dieux et les ont remplacés par le leur. Ce n’est que justice s’ils souffrent maintenant! Ils n’avaient qu’à pas venir nous embêter !
-Mais qui étaient nos dieux? demanda Muna Ott. Et où ont-ils disparu ?
-Eh bien, par exemple, Kalevipoeg était un dieu, estima Ints. Un dieu grand et fort. C’est Jésus- Christ qui l’a tué. Dans le dos, évidemment. Sinon il n’aurait pas pu. »
Maîtres et valets rivalisent de roublardise et les amoureux n’ont pas la vie facile.
Ici, vous ferez connaissance avec les kraats ( beau spécimen sur l’image ci-dessus, avec le kraat du granger), les pelunoirs, les suce-lait, les quauquemaires, le Vieux -Païen ( ou Vieux -Garçon ), les croque-mitaines, loups-garous, sorcières et démons de toutes formes et espèces, dont certaines qui miaulent, des vaches de mer, des bêtes cornues qui crachent du feu…Et les Estoniens . Un humour ravageur, en fait très noir. Cette fable ne plaira sans doute pas à tout le monde…Il faut avoir l’esprit un peu tordu pour goûter à la farce ( euh…je l’ai, je crois et j’aime bien ça ), un bon moment d’éclats de rire pour moi, et ça ne se refuse pas !
Enfin, saluons cette maison d’édition, Le Tripode, pour le choix des œuvres éditées, pour la beauté des livres eux-mêmes ( un peu comme chez Monsieur Toussaint Louverture, des livres qu’on caresse…) .
Bonus vidéo, interview de Andrus Kivirähk, pour les éditions Le Tripode.
Et du traducteur Antoine Chalvin
Comme tu le dis, sans doute pas pour tout le monde, mais c’est super quand une maison d’édition prend le risque de publier des ouvrages différents et irrévérentieux.
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Voilà, c’est ça ! Mais surtout, ce livre – très drôle – reflète je pense l’état d’esprit d’un peuple qu’on connait peu. Les pays baltes sont encore peu connus pour nous, une histoire compliquée, c’est intéressant. Et puis Kivirähk m’a fait rire, alors …
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Jubilatoire, c’est le mot ! Ce livre est un petit bonheur, et j’ai eu la même envie que toi, le lire à voix haute. Je les aime bien, au Tripode !
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Oui oui, moi aussi, j’aime bien le Tripode ! Des choses pas ordinaires !J’ai acheté déjà le livre d’Abeille et Schuiten « Les mers perdues » à mon fils pour son anniversaire
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